« Bonjour Père Maccalli,
Cela fait dix mois que nous vous attendons confiants dans la prière pour votre libération et pour celle d’autres otages dont nous ne connaissons pas le nom, sachant que vos ravisseurs sont eux-aussi tenus en otages par la violence organisée et programmée pour imposer la terreur et nous faire croise qu’il existe un dieu qui les appuie et leur donnera la récompense pour leurs actions ». C’est ainsi que débute la lettre que le Père Vito Girotto, de la Société des Missions africaines, a écrit à son confrère, le Père Luigi Maccalli, enlevé de la mission de Bomoanga le 17 septembre dernier.
« Je pense que vous, cher Père, pouvez parler avec vos amis-ennemis dans la mesure où vous connaissez certaines langues de notre bien-aimée Afrique et que vous pouvez peut-être les faire réfléchir simplement en cherchant le moment favorable et le prétexte d’événements que vous vivez avec eux. Certains de vos ravisseurs se rappellera le motif de votre enlèvement et dira la raison de ce geste qui a changé votre vie et aussi leur vie parce qu’il n’est pas possible de tenir en otage une personne innocente sans avoir dans le cœur une série de questions qui troublent s’il n’existe pas de réponse claire. Ils vous diront que vous étiez une référence à Bomoanga et que dans votre humilité, vous ne l’imaginez même pas mais que vous continuiez à vous occuper de nombreux enfants malades parce que malnutris et de ces autres qui n’avaient pas d’école pour ouvrir leur esprit. Vous, avec l’aide d’amis, vous avez pu leur offrir des salles de classe avec un toit sûr, où il était possible de lire et d’écrire assis sur de vrais bancs en laissant à la maison les bidons vides utilisés auparavant ».
« Partisan de l’un ou de l’autre ? Vous ? Ce n’est pas vrai – poursuit le Père Girotto. Vous n’étiez pas uniquement du côté des gourmantchés mais aux côtés de tous, des amis peuls qui frappaient comme beaucoup à la porte ouverte de votre maison à n’importe quelle heure. Vous donniez à tous ce que vous pouviez avec beaucoup de générosité et de disponibilité envers les plus pauvres présents à Bomoanga et dans les villages que vous visitiez régulièrement, au moins une fois par mois. Chacun de vos voyages à Niamey avec la Toyota à neuf places, toujours régulièrement entièrement occupés par des mères de famille et des enfants que vous accompagniez pour une visite à l’hôpital de la capitale, visait à leur fournir un endroit où être bien soignés, après être passés par le dispensaire de N’Gula ou de Kiki où n’existaient ni les instruments ni les médicaments pour leur traitement. Ce voyage était une aventure pour pouvoir prendre des rendez-vous avec les médecins et trouver des personnes qui restent aux côtés de vos malades. Parmi eux se trouvaient des chrétiens et des musulmans, des gourmantchés et des peuls, des haussas et des zermas et vous étiez pour eux le père qui pense à tous et cherche une solution pour tous ».
« Véritable missionnaire créateur de communautés ouvertes à la Parole de Dieu, qui donne espérance de vie à tous, je crois que vous pensez à ces communautés nées au travers du pèlerinage pour l’annonce, que vous organisiez au mois d’octobre de chaque année, le mois missionnaire, et qui maintenant ne peuvent plus poursuivre les cours d’alphabétisation, mais continuent à prier avec l’aide de nombreux animateurs de la liturgie et de catéchistes que vous connaissez pour les avoir préparés au travers des cours de formation. Eux aussi se souviennent de vous chaque jour, matin et soir, au travers des prières que vous-même aviez préparé dans un livret bien fait en langue gourmantché. Ils vous attendent libre pour la célébration de la Messe qui a toujours été pour vous une occasion de rencontre et de réflexion, avec des solutions qui vous voyaient protagoniste dans la recherche de l’eau potable et la proposition de pouvoir offrir également une autre eau qui se puise avec la foi au puits de Jésus, ce Jésus qui maintenant leur parle par votre silence et les désaltère par la parole et le témoignage de votre vie ».
« Nous savons, cher Père Maccalli, que vous célébrez maintenant une longue Messe que vous ne vous lassez pas d’offrir avec votre amour à Celui qui vous a appelé au sacerdoce et vous a invité à être ferme dans l’épreuve avec une croix qui, à nous qui vous suivons de loin, semble trop lourde. Vous êtes bloqué dans le corps mais non pas dans l’esprit et certainement cette situation d’impuissance physique a bouleversé vos projets de mission. Cependant, ne pensez pas que votre vie d’otage n’a pas de valeur. Vous savez bien que, pour Jésus, l’expérience de la faiblesse de l’être cloué sur la croix en donnant toute Sa vie, fut l’action la plus efficace de Sa mission de Sauveur. En pensant à tous ces longs mois depuis votre enlèvement, nous nous imaginons de vivre une agonie privée de sens. Cependant, il n’en est rien parce que votre témoignage unit de nombreuses personnes qui ne savaient pas même où se trouvait sur la carte ce grand pays que vous aimez, le Niger, et qui maintenant prient et espèrent votre libération ».
« Avec vous, nous avons découvert qu’il existe en Afrique de nombreux otages anonymes, des hommes, des femmes et des enfants, enlevés et réduits en esclavage qui peut-être ne retrouveront jamais la liberté – poursuit le Père Girotto. D’autres, et ils sont très nombreux, sont retenus en otage par la pauvreté ou par des choix politiques contraires à leurs idées. Il s’agit de personnes qui cherchent à fuir pour vivre en liberté. Ceux qui devraient les aider à la retrouver, cette liberté, contribuent en revanche à produire une captivité encore plus atroce. Moi-même, comme vous, ai quitté ma bien-aimée mission de Makalondi cette même nuit du 17 septembre 2018 et j’ai été contraint, avec grande souffrance, à me réfugier à Niamey, tenu en otage par l’insécurité et par la peur des attaques dont personne ne pouvait me protéger, comme cela vous est arrivé. La mission change mais qui est le protagoniste ? C’est toujours et uniquement Celui qui nous a envoyés ».
Cher Père Maccalli, Untaani (Dieu unit). Demeurons unis dans cette foi qui maintenant est mise à l’épreuve mais qui nous aide à nous rapprocher de la situation de la population tenue en otage par la grande pauvreté et par une frontière qui semble l’exclure du Niger où elle vit depuis des siècles. Dieu est grand, affirment de nombreuses personnes ici au Niger et c’est à Lui que nous vous confions ainsi que le peuple de Bomoanga, de Makalondi et de tout le Sahel ».
(VG/AP) (Agence Fides 10/07/2019) |