JOURNEES DE SAINT-FRANÇOIS-DE-SALES

Le cardinal burkinabé Philippe Ouédraogo, archevêque métropolitain de Ouagadougou, a participé pour la première fois aux Journées de Saint-François-de-Sales, qui se sont tenues à Lourdes du 22 au 24 janvier, en complément de ses rencontres avec des professionnels des médias catholiques, il a donné ses conclusions sur la crise qui sape son pays africain et menace son modèle traditionnel de coexistence religieuse. Lire sa brève interview avec les médias…

Son Eminence parle… Depuis cinq ans, le Burkina Faso est plongé dans des violences qui ont déjà fait plus de 750 morts. Comme les attaques sont rarement revendiquées, a-t-il déclaré, nous n’avons pas d’interlocuteurs pour discuter ou négocier. Au début de la crise en 2015, les symboles de l’État étaient visés par des terroristes (armée, police et douanes). Ensuite, ils ont voulu nous impliquer dans la violence intercommunautaire, en attaquant les communautés religieuses du nord du pays, en particulier les prêtres.

Nos frères protestants n’ont pas été épargnés, pas plus que les musulmans. Je pense que nous ne pouvons pas parler de conflit religieux: la crise est mondiale. Nous, catholiques, sommes touchés comme les autres.

Il a poursuivi, culturellement, notre société est marquée par un vivre ensemble fraternel. Au sein d’une même famille, on trouve des musulmans, des protestants, des catholiques et des croyants dans les religions traditionnelles. Les liens de sang semblent plus forts que les liens de foi

Le dialogue interreligieux et interreligieux est un pivot important de notre travail pastoral. Le 10 janvier encore, nous, les autorités religieuses, avons envoyé un message au pays pour la nouvelle année. Il nous a semblé important que les Burkinabés nous voient ensemble, malgré la difficulté, nous restons unis.

En réponse à d’autres questions, at-il poursuivi, jusqu’à présent, nous avons pu éviter les dérapages interethniques et interconfessionnels. Il y a eu des représailles contre les Peuls, accusés d’avoir hébergé des tueurs, mais cela n’a pas déclenché un cycle de violence. Mais jusqu’à quand allons-nous continuer nos efforts pour vivre ensemble

Comment éviter de sombrer dans le chaos?

En fait, on peut déjà parler d’un effondrement: des centaines de Burkinabés ont été tués, environ 2 100 écoles ont fermé … Et il y a déjà plus d’un demi-million de déplacés internes! Pour éviter de couler, je pense que l’essentiel est de sensibiliser les différents groupes aux efforts de solidarité.

En novembre, nous, l’Église catholique, avons organisé une journée pour les personnes déplacées à Ouagadougou. Ils étaient plus de 3 000. Nous avons prié pour toutes les victimes, quelle que soit leur religion, et leur avons fourni un soutien matériel. J’ai été touché par la solidarité qui s’est manifestée, comme une femme du Togo voisin avec trois grands sacs de vêtements pour les déplacés.

Selon vous, les réactions des autres pays sont-elles été à la hauteur?

Son Eminence… Le Mali et le Niger subissent, comme nous, les horribles attaques des terroristes. Nous ne pouvons pas relever ce défi seuls. Certains pays ont une expertise beaucoup plus avancée que la nôtre et des moyens plus importants. Nous avons besoin de leur aide. Comme on dit ici: un seul doigt ne recueille pas la farine, il en faut plusieurs! Ce fléau étant mondial, il faut qu’il y ait un éclat de solidarité à tous les niveaux.

Nous avons été très sensibles à la voix du Saint-Père, qui a invité à plusieurs reprises à prier pour nous. Nous avons également ressenti la solidarité des associations caritatives, en Europe et en Afrique.

Vous avez 75 ans ce samedi 25 janvier: vous allez donc bientôt remettre votre lettre de renonciation au Pape. Comment évaluez-vous votre vie au service de l’Église africaine? Il est indéniable que l’Église a apporté beaucoup à la société africaine, en termes d’éducation, de santé et de promotion humaine. Mais l’évangélisation, même si elle a beaucoup progressé en cinquante ans, reste la priorité des priorités. Les chrétiens ne représentent qu’environ 17% de la population africaine, contre 30% dans le monde.

Plus de 750 morts depuis 2015

Son Eminence… De plus en plus fréquentes et meurtrières, les attaques djihadistes au Burkina Faso ont fait plus de 750 morts et 560 000 déplacés depuis 2015. Trente-six civils ont été tués lundi 20 janvier dans le nord du pays.

Ces attaques, rarement revendiquées, sont attribuées à des groupes djihadistes armés, certains affiliés à Al-Qaida et d’autres à Daesh. Ils ciblent régulièrement les chefs religieux et les lieux de culte, chrétiens et musulmans, principalement dans le Nord.

À la mi-janvier, le Parlement burkinabé a adopté à l’unanimité une loi autorisant le Burkina Faso à recruter des “volontaires pour la défense de leur patrie”.

RECOWA-CERAO