L’arbre ne doit pas cacher la forêt ! Les super résultats de fin d’année scolaire et académique dans les écoles catholiques au Burkina, n’exemptent pas celles-ci de son lot de difficultés. Susceptible d’entraver malheureusement la marche d’une structure qui fait non seulement la fierté de l’Eglise Famille de Dieu au Burkina, mais également celle de bien des fils du Faso, le problème est suffisamment grave pour que l’épiscopat et les acteurs principaux de l’enseignement catholique, décident de la tenue des assises nationales de l’enseignement catholique au Burkina. Introspection oblige. Ces assises qui se déroulent présentement à Ouagadougou, dans les locaux du centre national Cardinal Paul Zoungrana, veulent selon le Cardinal Philippe Ouédraogo qui a accueilli les participants, « être un espace pour tous, pour privilégier la réflexion sur les nombreux et complexes défis à relever dans ce pan important de la pastorale de l’Eglise Famille de Dieu au Burkina Faso ».
Une vision à recadrer ?
Depuis 1990 faut-il le dire, l’école catholique a connu des formes diverses au fil des années au Burkina Faso. En croissance continue certes, mais toujours sur le lit des soubresauts, elle était obligée de faire l’expérience douloureuse de la cession de sa gestion à l’Etat en 1969. Un dénouement malheureux qui s’imposait à l’Eglise, à l’issue d’une grave crise qu’elle a traversée face à de nombreuses difficultés que l’école catholique rencontrait. L’école catholique cheminera désormais petitement dans sa partie secondaire, et par les soins des congrégations religieuses. Mais lors des premières assises de novembre 1996, un souffle nouveau consacrait l’idée d’une école catholique nouvelle, où les évêques insistaient sur l’engagement de toute la communauté ecclésiale. « C’est la communauté désormais disaient-ils, qui devra pourvoir à la création des écoles, à leur organisation et à leur gestion ; c’est elle également qui devrait être responsable de sa gestion ». Vingt ans sont écoulés et à en croire les responsables, les difficultés ne manquent pas. Il est de bon ton donc, selon Mgr Séraphin ROUAMBA président de la commission épiscopale pour l’enseignement catholique, que « les acteurs principaux engagés dans ce domaine s’asseyent pour clarifier leur vision et leur commune mission dans ce domaine capital de l’éducation par l’école catholique ».
L’école catholique au Burkina Faso, c’est cette machine aux 57 centres pré scolaires, 173 écoles primaires dont 47119 élèves et 1132 enseignants, 102 post primaires et secondaires avec 36007 élèves pour 66o professeurs permanents et un grand nombre de vacataires. Elle caracole dans le supérieur avec deux universités, une école supérieure, un centre de formation des enseignants, tous, des structures prisées mais également concernées par les difficultés que les présentes assises entendent circonscrire.
Qu’est ce qui doit changer ?
Les participants sont unanimes à reconnaitre que les problèmes ne viennent pas seulement de l’extérieur. Le président de la commission épiscopale relève en effet, « qu’à l’interne, il y a une insuffisance dans le devoir de concertation qui avait fini par mettre à mal la communion et la gouvernance depuis le secrétariat de l’enseignement catholique ». La part externe cependant dans sa gravité, peut risquer d’asphyxier l’enseignement catholique, si rien d’urgent n’est entrepris. Mgr Séraphin explique en effet, que « le non respect par l’Etat de son engagement pour l’équilibre budgétaire de l’enseignement primaire catholique éprouve durement cette institution ». Un tel non respect a conduit au fil des années à un déficit financier devenu insoutenable à partir de 2013. « Estimé à sept cent soixante cinq million soixante cinq mille cinq cent trente (768 65 530) en juin 2013, il a atteint un milliard neuf cent dix neuf mille six cent cinquante un mille huit cent vingt huit (1 919 651 828) en décembre 2014 et s’annonce à deux milliards neuf cent trente trois mille sept cent vingt (2 000 933 720) en décembre 2015 » explique Mgr Séraphin ROUAMBA. C’est dire donc, qu’il ne va pas suffire de signer un contrat, -celui de la convention du 18 mai 2009 entre l’Etat et l’Eglise catholique, -mais plutôt qu’il va falloir l’appliquer si tant il est vrai pour tous, que la part du rôle que joue l’Eglise intéresse l’Etat au plus haut degré. L’avenir de l’enseignement catholique est fortement lié au traitement salarial et indemnitaire des enseignants. Nul ne peut nier que la convention apporte beaucoup à la carrière des enseignants embraqués dans cette aventure, mais la convention doit viser plus que cela. Les recettes constituées des scolarités et de la subvention vont croissantes certes, mais elles restent en deçà de celles que représentent les charges salariales. Pour preuve, les deux sources cumulées, frais de scolarité et subventions de l’Etat, ne peuvent couvrir que 56% des besoins actuels de l’école catholique. Pourtant les termes de la convention sont clairs « l’Etat s’engage à soutenir l’enseignement catholique par une contribution financière lui permettant d’atteindre l’équilibre budgétaire ».
L’Etat interpellé ?
Les assises ne sont pas une tribune pour revendiquer. Elles servent à interpeler tous les acteurs dans ce vaste champ de l’enseignement catholique. La commission paritaire créée dénote de la volonté de l’Etat à jouer aussi bien que possible sa partition, pour résoudre les problèmes, mais l’on constate que le but est loin d’être atteint. L’aide accordée arrive par exemple en retard, alors que les salaires doivent être versés à des périodes bien connues.
Tout le monde le sait, cette aide ne doit pas être considérée comme un privilège accordé à l’école catholique, mais comme un appoint pour donner plus de chance au maximum d’enfants d’accéder à la culture. Il s’avère donc impérieux de revoir l’esprit de la convention pour permettre à l Eglise de jouer son rôle dans l’immense chantier de l’éducation où elle se déploie dans tous les compartiments du pays, et au bénéfice sans exclusive de tous les burkinabè. Les réflexions devront aboutir in fine, à trouver une convention pour un partenariat fécond avec l’Etat, en vue de permettre l’amélioration du traitement des enseignants et d’ouvrir des écoles même dans les milieux pauvres. Pour l’atteinte d’un tel idéal, il est nécessaire que les premiers acteurs s’accordent et célèbrent la communion dans l’agir et dans la vision.
Abbé Joseph KINDA
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