VIGILE PASCALE 2016
(Paroisse Cathédrale de Ouagadougou)
A vous tous, grâce et paix de Dieu notre Père et de notre Bien-aimé Seigneur Jésus-Christ !
Alléluia ! Alléluia ! Alléluia ! Ce mot hébreu signifie « louez Dieu » et c’est un cri d’enthousiasme, d’admiration et d’approbation d’une assemblée pour exprimer la foi et la joie, l’accord et la louange. En cette nuit très sainte, toute l’Eglise, dans la joie et la louange, célèbre la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, cœur de la foi chrétienne. Dans la joie et la louange, nous célébrons Pâques dans un contexte mondial marqué par la violence et le terrorisme, l’insécurité préoccupante, la précarité, la pauvreté des populations laborieuses, le chômage des jeunes etc…Face à ces drames humains, notre joie pascale ne pourrait-elle pas être considérée comme béate ou idyllique ? En outre, comment exulter de joie, alors que parmi nous, des frères et sœurs ont plus le cœur à pleurer qu’à rire en raison des problèmes et souffrances multiformes de la vie ?
La célébration de Pâques, nous le croyons, est source d’espérance pour nous chrétiens, car la résurrection de Jésus annonce l’avènement d’un monde nouveau. Elle est la victoire du Christ sur la mort, signe de sa victoire et de celle de l’humanité sur les forces du mal et le péché.
L’Evangile de cette célébration nous livre l’expérience des premiers témoins de la Résurrection et nous invite à y adhérer pleinement. Les femmes qui se rendirent au tombeau de grand matin le trouvèrent vide. « Saisies de crainte, elles baissaient les yeux vers le sol », nous rapporte l’évangile. Deux hommes se présentèrent à elles et leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité » (cf. Lc 24, 1-12). Pâques c’est la victoire du Christ sur la mort, la victoire de la Vie sur une certaine culture de la mort (haine, violence, meurtres, le mal sous toutes ses formes…) qui plonge l’humanité dans la souffrance. La résurrection du Christ nous ouvre donc à l’espérance car l’amour de Dieu est plus fort que la mort et cet amour triomphera toujours du péché, du mal et des œuvres de ténèbres dans lesquels baigne l’humanité défigurée.
Par le baptême, tous les chrétiens sont plongés dans la mort et la résurrection du Christ pour mener désormais une existence nouvelle dans le Christ. Saint Paul nous rappelle fortement dans l’épitre aux Romains que nous avons entendue tout à l’heure : « Frères, nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés. Si, par le baptême dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle…pensez que vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus-Christ. » A l’instar des Apôtres, témoins de la résurrection de Jésus, nous sommes appelés nous aussi à vivre en hommes nouveaux. La célébration de la fête de Pâques est donc l’occasion pour nous chrétiens de raviver en nous la grâce baptismale afin d’être des amoureux du Christ et de l’Evangile, des témoins du Ressuscité par notre vie en famille et dans la société. La vie familiale et l’engagement social constituent de hauts lieux de témoignage chrétien pour que rayonne à jamais dans le monde, la lumière de la résurrection du Christ.
La famille chrétienne, lieu de témoignage de la vie nouvelle en Christ
Frères et sœurs, comme vous le savez, nous sommes dans un monde pluriel, aux valeurs culturelles, souvent très divergentes… notamment en ce qui concerne le mariage et la famille, « avenir de l’Eglise et de l’humanité ». Nous assistons à une véritable dictature de la pensée unique qui voudrait imposer et généraliser l’avortement, les méthodes artificielles de limitation des naissances et promouvoir des unions homosexuelles, ou encore l’euthanasie… Il s’agit d’une véritable culture de la mort. L’Eglise prend acte et respecte la pluralité des visions en matière éthique, mais il est hors de question pour elle de renoncer tant soit peu à son point de repère ultime qu’est Jésus-Christ, ainsi que les valeurs consignées dans l’Evangile et le magistère officiel. A l’instar des premiers témoins de la résurrection, il faut qu’ensemble, les chrétiens manifestent fortement leur attachement indéfectible aux valeurs évangéliques, fassent la différence et rament même à contre-courant de cette culture de mort.
Nos familles chrétiennes de nos jours, sont le théâtre de bien de maux : perte de la foi et du sens de la prière en famille, incompréhensions, manque de dialogue et d’écoute mutuelle, haine, divisions, problèmes d’éducation des enfants…Vivre en hommes nouveaux et ressuscités, nous impose la conversion pour faire de nos familles chrétiennes des « communautés de vie et d’amour », des familles où règnent l’amour, le pardon et le dialogue, vertus et valeurs nécessaires pour vaincre les épreuves inhérentes à toute vie commune.
Dans la première lecture de la veillée pascale, l’homme et la femme sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu ; ils sont différents et complémentaires du point de vue de l’humanité. Ils sont appelés à s’unir, à devenir une seule chair, chacun étant une aide pour l’autre (Gn 2, 18-25). Le mariage des baptisés est une véritable vocation, le symbole réel de l’Alliance nouvelle et éternelle, scellée dans le sang du Christ. (F.C, n. 13). L’amour mutuel de l’époux et de l’épouse baptisés représente l’Amour du Christ et de l’Eglise. C’est dire que les époux sont pour l’Eglise le sacrement de la Nouvelle Alliance, c’est-à-dire le rappel permanent de ce qui est advenu sur la Croix. Ils sont l’un pour l’autre et pour leurs enfants des témoins du salut dont le sacrement les rend participants. Le mariage comme tout sacrement est un mémorial, une actualisation et une prophétie de l’avènement du salut. Il est donc un état de vie, une voie de sainteté chrétienne, une vocation qui doit conduire à la résurrection glorieuse (cf. F.C, n. 13 ; E.I.A, n. 83).
Le synode pour l’Afrique (1994) a demandé à chaque famille chrétienne africaine de devenir « un lieu privilégié de témoignage évangélique, une véritable Eglise domestique, une communauté qui croit et qui évangélise… (E.I.A, n. 92).C’est au sein de la famille que les parents sont par la parole et par l’exemple…pour leurs enfants, les premiers hérauts de la foi. C’est ici que s’exerce de façon privilégiée le sacerdoce baptismale du père de famille, de la mère, des enfants, de tous les membres de la famille, par la réception des sacrements, la prière et l’action de grâce, le témoignage d’une vie sainte et par leur renoncement et leur charité effective. Le foyer est ainsi la première école de vie chrétienne et une vie d’enrichement mutuel. » (cf. G.S, n. 52).
En outre, l’Eglise retient que la Sainte Famille de Nazareth est le prototype et l’exemple de toutes les familles chrétiennes, le modèle et la source spirituelle pour toutes les familles chrétiennes (F.C, n. 75). Toute famille peut tirer de la Sainte Famille de Nazareth une leçon de silence, une leçon de vie familiale, une leçon de travail, d’harmonie et d’amour.
Les pasteurs sont invités à accompagner avec miséricorde, patience et discernement toutes les personnes en difficultés : les fidèles qui vivent en concubinage ou ont contracté simplement un mariage civil, les divorcés remariés…les chrétiens retombés dans la polygamie.
Le pape François rappelle que toutes les personnes qui connaissent et vivent des difficultés par rapport à leurs engagements de mariage et de famille ne sauraient être oubliés par l’Eglise. L’Eglise prie pour eux et invoque avec eux la grâce de la conversion, les encourage à accomplir le bien, à persévérer dans la foi et à se mettre au service de la communauté.
La miséricorde est le « centre de la révélation de Jésus (M.V, n. 25) et l’Eglise doit accompagner ses enfants les plus fragiles marquées par l’amour blessé et perdu, leur redonnant confiance et espérance.
En communion avec les Pères synodaux d’octobre 2015, nous rendons grâce au Seigneur pour la généreuse fidélité avec laquelle tant de familles chrétiennes répondent à leur vocation et à leur mission malgré les obstacles, les incompréhensions et les souffrances multiformes. C’est avec une joie intime et un profond réconfort que l’Eglise regarde les familles qui sont fidèles aux enseignements de l’Evangile, les remerciant et les encourageant pour le témoignage qu’elles offrent. Grâce à elles, la beauté du mariage indissoluble et fidèle pour toujours devient crédible. (cf. Message du synode, n. 51).
L’engagement social au service de la réconciliation, la justice et la paix
Par sa passion, sa mort et sa résurrection, le Christ a réconcilié les hommes avec Dieu et a anéanti la haine qui divise et éloigne les hommes les uns avec les autres.
« A ceci tous reconnaitront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres (Jn 13, 35). Dans cette perspective, nos communautés chrétiennes doivent être des lieux authentiques de réconciliation. Pardonnés et réconciliés, les chrétiens peuvent apporter au monde le pardon, la réconciliation que le Christ offre à l’humanité par son Eglise.
Chers frères et sœurs, au sortir des événements douloureux qu’a connus notre pays, l’heure est à la réconciliation, la cohésion sociale et l’unité nationale. Dans ce contexte, les chrétiens appelés à être « sel de la terre et lumière du monde ont un rôle primordial.» Il leur revient de s’engager dans la société pour être véritablement des artisans de justice, de paix et de réconciliation. Pour cela, ils doivent donner un témoignage de service en vue du bien commun et œuvrer réellement pour la cohésion sociale, la justice et la paix. C’est en évitant la chasse aux sorcières et en traitant avec transparence et diligence les dossiers de justice, que notre pays dans toutes ses composantes, amorcera sa marche résolue vers l’unité et la réconciliation nationales. Chers fidèles du Christ, au cœur des quartiers, des CCB et de la société, vous êtes donc invités chacun selon son état et ses capacités, à être témoins et agents d’unité, de paix par la tolérance, le dialogue et la médiation en vue de prévenir toute forme de conflits inspirés par la vengeance et la haine. C’est un témoignage et une priorité de la nouvelle évangélisation selon le Pape Benoît XVI : « La nouvelle évangélisation suppose la réconciliation des chrétiens avec Dieu et avec eux-mêmes. Elle exige la réconciliation avec le prochain, le dépassement des barrières de toutes sortes comme celles provenant de la langue, de la culture et de la race » (A.M, n.169).
Chers frères et sœurs, à la suite du Christ ressuscité, vivons en hommes nouveaux, pour édifier des familles chrétiennes saintes, dynamiques et missionnaires et ensemble, avec les autres croyants et hommes de bonne volonté, bâtissons un monde plus digne de Dieu et plus digne des hommes. Que l’Esprit du Ressuscité nous renouvelle et sois notre force dans ce vaste chantier du témoignage chrétien.
+Philippe Cardinal OUEDRAOGO
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou