Excellence Mgr Philippe Ouédraogo, Archevêque Métropolitain de Ouagadougou et Président de la Commission épiscopale chargée de l’Apostolat des Laïcs,
– Excellences…
– Madame Bernadette Confé, Présidente du Conseil National des Laïcs,
– Chers confrères dans le sacerdoce,
– Chers religieux et religieuses,
– Chers fidèles laïcs,
– Chers invités et participants à ce Forum
J’adresse à chacun de vous mes chaleureuses et cordiales salutations, accompagnées de l’assurance de la sollicitude du Saint-Père, à l’occasion du présent Forum placé sous le thème : « Promotion des mouvements d’action catholique, associations, groupes de spiritualité et services d’Église, en vue d’une unité d’action avec les structures responsables du laïcat ».
Le Concile Vatican II, à travers ses deux grandes Constitutions, Lumen gentium et Gaudium et spes, auxquelles s’ajoute le décret sur l’apostolat des laïcs, Apostolicam actuositatem, a particulièrement renouvelé la réflexion et la vision de l’Église sur l’identité, la vocation et la mission des Laïcs dans l’Église et dans le monde.
Appelés en effet à assumer « Dans l’Église et dans le monde, leur part dans ce qui est la mission du peuple de Dieu tout entier » (Apostolicam actuositatem, n°2 ; cf. aussi les numéros 5-7), en raison de leur « union même avec le Christ » (Christifideles, n°3), l’Église leur reconnaît le droit de s’organiser en Mouvements, Associations, Groupes de spiritualité et Services d’Église (Lumen gentium, n°37 ; Apostolicam actuositatem nn° 15 ; 19 ; Christifideles 29 ; CDC can. 215).
Il en est résulté, depuis les lendemains du Concile, une prodigieuse floraison de Mouvements, d’Associations, de Groupes de spiritualité et de Services ecclésiaux que l’Église accueille, encourage et promeut (CDC Can. 327 ; 298-299) parce qu’elle y reconnaît des fruits authentiques de la généreuse prodigalité de l’Esprit-Saint qui suscite une diversité de charismes dans l’Église, pour sa sanctification et pour sa croissance.
C’est l’essentiel de l’exhortation que les Pères synodaux ont adressé aux Laïcs dans leur Message final au terme du Synode sur la Nouvelle Évangélisation. Rappelant en effet le fait que « L’évangélisation n’est pas le devoir de quelques-uns dans l’Église, mais (…) l’œuvre des communautés ecclésiales en tant que telles » ils ajoutaient : « Pour ce qui est des laïcs, un message particulier va aux diverses formes d’associations anciennes ou nouvelles, aux mouvements ecclésiaux et aux nouvelles communautés, pour qu’ils manifestent la richesse des dons que l’Esprit fait à l’Église. Nous exprimons aussi notre reconnaissance à ces formes de vie et d’engagement dans l’Église, en les exhortant à la fidélité à leur charisme propre et à la communion ecclésiale sincère, spécialement dans le contexte concret des Églises particulières » (Synode sur la Nouvelle Évangélisation, Message final, n°8).
Dans son Exhortation apostolique post-synodale Africae munus, s’adressant aux laïcs d’Afrique, le Pape Benoît XVI revenait lui aussi sur l’opportunité et les bienfaits de ces mouvements et associations pour la croissance dans la foi et le témoignage de vie chrétienne : « Il peut être utile, écrit-il, de vous organiser en associations pour continuer à former votre conscience chrétienne et vous soutenir mutuellement dans la lutte pour la justice et la paix. Les Communautés Ecclésiales Vivantes (CEV) ou les Small Christian Communities (SCC), et les ‘Communautés nouvelles’ sont des cadres porteurs pour entretenir la flamme vivante de votre Baptême » (Africae munus, n°131).
Cependant, pour que toutes ces grâces et dons de l’Esprit-Saint servent au bien des fidèles et à la croissance de l’Église, le Pape Jean-Paul II indiquait dans son Exhortation apostolique post-synodale sur la Vocation et la mission des Laïcs que cette « Liberté [la liberté de s’organiser en Associations…] reconnue et garantie par l’autorité ecclésiastique (…) doit s’exercer toujours et uniquement dans la communion de l’Église ; en ce sens, précise le Saint-Père, le droit des fidèles laïcs à se réunir est essentiellement lié à la vie de communion et à la mission de l’Église elle-même » (Christifideles laici, n°29).
Autrement dit, tous les Mouvements, Associations et Groupes ecclésiaux doivent travailler en synergie, dans le souci de la communion et de la complémentarité, dans l’estime et le respect mutuels comme le recommandait déjà Saint Paul aux Corinthiens et aux Romains lorsqu’il présentait l’Église comme un corps où les différents membres s’enrichissent mutuellement et se complètent dans leur diversité (1Co 12, 4-30 ; Rm 12, 3-8). Une telle exigence découle donc de la nature même de l’Église qui est communion (Cf. Lumen gentium, nn. 4, 8, 13-15, 18, 21, 24-25 ; Dei Verbum, n. 10 ; Gaudium et spes, n. 32; Unitatis redintegratio, nn. 2-4, 14-15, 17-19, 22).
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans un document publié en 1992, considère en effet le concept de communion comme la clé de compréhension du mystère de l’Église (Lettre aux Évêques de l’Église Catholique sur certains aspects de l’Église comprise comme communion, n°1) parce qu’il est « ‘au cœur de l’autoconnaissance de l’Église’ (Jean-Paul II, Discours aux évêques des Etats-Unis d’Amérique, 16 septembre 1987, n°1), en tant que mystère de l’union personnelle de chaque homme avec la Trinité divine et avec les autres hommes, commencée par la foi, et orientée vers la plénitude eschatologique dans l’Église céleste tout en étant une réalité en germe dans l’Église sur terre » (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux Évêques de l’Église Catholique sur certains aspects de l’Église comprise comme communion, n°3).
Le Pape François est largement revenu sur ce même thème dans deux Catéchèses successives du 30 octobre et du 6 novembre, en en montrant les différentes dimensions − la communion des saints et la communion aux biens spirituels que sont les sacrements, les charismes et la charité − et en montrant leur intime et étroite connexion (Catéchèse du mercredi 6 novembre).
À propos de la communion des saints, c’est-à-dire, des fidèles baptisés entre eux, le Saint-Père dit : « L’Évangile de Jean atteste qu’avant sa Passion Jésus a prié son Père pour la communion entre ses disciples, en ces termes : ‘afin que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé’ (17,21). L’Église, dans sa vérité la plus profonde, poursuit-il, est communion avec Dieu, familiarité avec Dieu, une communion d’amour avec le Christ et avec le Père dans l’Esprit-Saint, qui se prolonge dans une communion fraternelle. Cette relation entre Jésus et le Père est la ‘matrice’ du lien entre nous, chrétiens : si nous sommes intimement insérés dans cette ‘matrice’, dans cette fournaise ardente d’amour, alors nous pouvons vraiment devenir un seul cœur et une seule âme entre nous, parce que l’amour de Dieu brûle nos égoïsmes, nos préjugés, nos divisions internes et externes » (Catéchèse du 30 octobre 2013, n°1).
En ce qui concerne les charismes, il poursuit : « L’Esprit-Saint donne une multitude de dons et de grâces spirituelles aux fidèles ; cette richesse, disons ‘pleine d’imagination’, des dons de l’Esprit-Saint est finalisée à l’édification de l’Église. Les charismes – c’est un terme un peu difficile – sont les cadeaux que nous donne l’Esprit-Saint, des aptitudes, des possibilités… Des cadeaux faits non pas pour être cachés mais pour servir aux autres. Ils ne sont pas donnés pour le profit de celui qui les reçoit, mais pour être utiles au peuple de Dieu. En revanche, si un charisme sert à s’affirmer soi-même, on peut douter qu’il s’agisse d’un charisme authentique ou qu’il soit vécu fidèlement. Les charismes sont des grâces particulières, données à certains pour faire du bien à beaucoup d’autres. Ce sont des attitudes, des inspirations et des motions intérieures qui naissent de la conscience et de l’expérience de personnes précises, appelées à les mettre au service de la communauté. En particulier, ces dons spirituels sont au profit de la sainteté de l’Église et de sa mission » (Catéchèse du Mercredi 30 octobre 2013).
Établissant enfin un lien entre la communion dans les charismes et la communion de la charité qui en est la finalité, le Saint-Père conclut : « En observant les premiers chrétiens, les païens disaient : mais comme ils s’aiment, comme ils s’aiment ! Ils ne se haïssent pas, ils ne disent pas du mal les uns des autres. C’est cela la charité, l’amour de Dieu que l’Esprit-Saint met dans nos cœurs. Les charismes sont importants dans la vie de la communauté chrétienne, mais ce sont toujours des moyens pour grandir dans la charité, dans l’amour, que saint Paul place au-dessus des charismes (cf. 1 Cor 13,1-13). Sans l’amour, en effet, même les dons les plus extraordinaires sont vains (…). Sans l’amour, tous ces dons et ces charismes ne servent pas à l’Église, parce que là où il n’y a pas l’amour, il y a un vide qui se remplit d’égoïsme (…). Vivre la communion de la charité signifie donc ne pas chercher notre propre intérêt, mais partager les souffrances et les joies de nos frères (cf. 1 Cor 12,26), en étant prêts à porter les poids des plus faibles et des plus pauvres. Cette solidarité fraternelle n’est pas une figure rhétorique, une manière de parler, mais elle fait partie intégrante de la communion entre les chrétiens. Si nous la vivons, nous sommes dans le monde un signe, un ‘sacrement’ de l’amour de Dieu. Nous le sommes les uns pour les autres et nous le sommes pour tous ! Il ne s’agit pas seulement de ces petits actes de charité que nous pouvons nous offrir mutuellement, il s’agit de quelque chose de plus profond : c’est une communion qui nous rend capables d’entrer dans la joie et dans la souffrance de l’autre pour les faire nôtres, sincèrement (…) Et avec la mauvaise humeur, la froideur, l’égoïsme, on ne peut pas faire grandir l’Église ; l’Église grandit seulement avec l’amour qui vient de l’Esprit-Saint. Le Seigneur nous invite à nous ouvrir à la communion avec lui, dans les sacrements, dans les charismes et dans la charité, pour vivre dignement notre vocation chrétienne ! » (Catéchèse du mercredi 30 octobre 2013).
Comme on le voit, travailler à cette communion ecclésiale dans la diversité des dons de l’Esprit-Saint, dans un effort constant de discernement, d’accompagnement, d’encouragement et de formation, est une urgence et une exigence que le Magistère rappelle avec force et recommande à l’autorité compétente aux différents segments de la réalité ecclésiale (Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux Évêques de l’Église Catholique sur certains aspects de l’Église comprise comme communion, n°15 ; Christifideles laici, n°31 ; CDC Can.°323).
Au regard de ce qui précède, on ne peut que saluer l’initiative de ce Forum qui met ensemble les responsables des différents Mouvements, Associations, Groupes et Services ecclésiaux, la structure faîtière du Laïcat au sein de la Conférence Épiscopale et les Pasteurs eux-mêmes, pour asseoir ou renforcer les bases d’une véritable communion ecclésiale indispensable à la réalisation et à l’expression de l’identité intime de l’Église et à la fécondité de sa mission.
Il ressort en effet des termes de référence, joints à la lettre d’invitation que vous m’avez envoyée, qu’un « certain nombre de maux semblent miner » la capacité des Mouvements, Associations, Groupes de spiritualité et Services ecclésiaux « à réaliser pleinement leur vocation », constituant ainsi « un sérieux sujet de préoccupation ». Au nombre de ces maux vous indiquez :
– L’absence d’un état des lieux précis concernant ces Mouvements et Associations,
– La constitution incontrôlée de groupes de spiritualité et autres communautés nouvelles,
– L’absence de suivi par l’autorité ecclésiale,
– Le manque d’unité d’action et de lien entre les structures de l’Église locale (CCB, paroisse, diocèse), celles responsables du laïcat et un grand nombre de ces mouvements et associations.
Faisant vivement miens les vœux du présent Forum, je souhaite fortement que cette rencontre puisse permettre de :
– Dresser un état des lieux de ces organisations ;
– Leur permettre de connaître la place et le rôle qui leur reviennent dans l’Église et dans le monde ;
– Définir les conditions de leur reconnaissance et de leur émergence, avec toujours le souci d’avoir une synergie d’action avec les structures de l’Église et du laïcat ;
– Créer, au sein de l’Église, le cadre propice pour l’épanouissement de tous ces groupes d’apostolat des laïcs, dans la perspective d’une nouvelle évangélisation au sein de l’Église et dans le monde.
Ceci étant, je ne saurais terminer mon propos sans exprimer ma reconnaissance au Seigneur d’avoir inspiré ce Forum qui s’inscrit parfaitement dans la dynamique de Vatican II et des derniers synodes sur l’Afrique et sur la Nouvelle Évangélisation, qui engagent avec insistance toute l’Église, et particulièrement l’Église en Afrique, à travailler à l’éclosion d’un laïcat plénier qui assument pleinement ses responsabilités ecclésiales et sociales (Africae munus 128-131).
Je réitère aussi de tout cœur mes remerciements à Leurs Excellences ici présents :
– Son Excellence Mgr Philippe Ouédraogo, Président de la Commission épiscopale chargé de l’Apostolat des Laïcs,
– Mes Confrères dans l’Épiscopat,
– Et à Madame Bernadette Confé, Présidente du Conseil National des Laïcs,
Je remercie le Comité d’organisation qui a eu la grande délicatesse d’associer le Nonce Apostolique à cet évènement de grande importance pour la vie de l’Église.
Dans ces sentiments, alors que je vous donne l’assurance de ma profonde communion, de mes ferventes prières et de la bénédiction du Saint-Père, je déclare ouvert le Forum des Mouvements d’action catholique, Associations, groupes de spiritualité et services de l’Église au Burkina et souhaite plein succès à vos travaux.
Que la Vierge Marie vous accompagne dans vos réflexions et vous inspire un don encore plus généreux de vous-mêmes pour l’avènement d’un laïcat plénier, fort, mature pleinement engagé dans la construction du Royaume de Dieu.
Que Dieu vous bénisse.
Je vous remercie de votre aimable attention.
X Vito Rallo
Arch. titulaire d’Alba
Nonce Apostolique