« Place et rôle (ecclésiologie) des mouvements d’action catholique, associations, groupes de spiritualité et services dans l’Église et dans la société »

Abbé Anatole Tiendrébéogo, Curé de la paroisse de Sâaba.

CONFERENCE

Abbé Anatole Tiendrébéogo, Curé de la paroisse de Sâaba.
Abbé Anatole Tiendrébéogo,
Curé de la paroisse de Sâaba.

 

 


 

INTRODUCTION

Tout d’abord je remercie les organisateurs de ce forum qui m’ont invitéà donner cette communication. Cette communication avait été initialement demandéeà mon jeune confrère et disciple le Père Jean-Paul Sagadou qui, pour des raisons de calendrier ne pouvait pas êtreà ce rendez-vous et m’a donc refilé le job. J’ai accepténaïvement de rendre le service pensant que j’arriverais à me détacher facilement de mes préoccupations de curé de paroisse pour m’atteler à la tâche. J’imagine que les organisateurs de ce forum s’arrachaient les cheveux quand ils se sont rendu compte que le texte de cette communication ne leur parvenait pas à la date qu’ils avaient prévue. Je m’excuse donc pour le désagrémentet le supplément de travail que ce retard a dûoccasionner. Je m’excuse surtoutauprès de mon confrère et père Mgr Joachim Ouédraogo qui n’a pas dû avoir beaucoup de temps pour lire mon texte et préparer sa tâche de modérateur. Mais le concernant je ne me fais pas trop de soucis car il n’y a rien de ce que je vais dire qu’il ne connait déjà, il saura donc s’acquitter de la tâche sans trop de problèmes. Comme a dit quelqu’un « on a lu dans les mêmes bouquins » alors il n’y a pas de secrets ! Je salue tous les participants à ce forum, venus des quinze diocèses du Burkina. Ce rendez-vous du donner et du recevoir stimulera chacun,j’en suis sûr, dans son engagement à la suite du Christ, dans le service de l’Eglise.

Les termes de référence de cette communication indiquent que ses objectifs spécifiques sont : d’expliciter la place et le rôle qui reviennent à ces diverses organisations dans l’église et la société et d’aider leurs membres à concevoir et à mener leurs activités dans l’unité d’action avec les structures du laïcat. En ce sens donc, nous allons parler de l’« ecclésialité » des mouvements d’action catholique, associations, groupes de spiritualité et services, c’est-à-dire,  les critères qui les identifient comme des organisations d’église et à ce titre quelle place ils occupent dans l’église et quelle fonction ils sont appelés à remplir dans l’église et dans la société. Si nous parvenons à nous acquitter de cette tâche correctement, les membres de ces organisations sauront occuper judicieusement leurs places dans l’église et mèneront leurs activités de façon cohérente et organique pour une église-famille plus unie, plus efficace et pour un meilleur service de Dieu et de la société.

Pour ce faire notre propos s’articulera simplement autour de deux grands axes :

I. La typologie des mouvements d’action catholique, associations, groupes de spiritualité et services ;

II. L’« ecclésialité » des mouvements d’action catholique, associations, groupes de spiritualité et services ; en guise de conclusion nous parlerons de leur place et de leur rôle dans l’Eglise et dans la société, car nous pensons que leur place et rôle se lisent déjà en filigrane dans les critères de leur ecclésialité.

  1. I.                  La typologie des mouvements d’action catholique, associations, groupes de spiritualité et services

 

Avant de parler de l’ecclésialité des mouvements et associations dans l’Église, il importe de faire une distinction entre ces différentes entités. Il y a une distinction entre les mouvements d’action catholique proprement dits et les autres mouvements, associations, groupes de spiritualité et services dans l’église.

  1. 1.     Les mouvements d’action catholique

Les mouvements d’action catholique regroupent l’ensemble des mouvements créés par l’Église catholique romaine au XXe siècle dans le cadre du catholicisme social à destination de catégories précises de la société. L’objectif de l’Action catholique était double : a) constituer de nouveaux outils pour christianiser ou entretenir la foi de ces milieux ; b) apporter dans ces derniers la doctrine humaniste et sociale de l’Église. C’est en 1922 que le pape Pie XI organisa en Italie, l’Action catholique italienne au sein de quatre branches (hommes, femmes, jeunes hommes, jeunes filles) ; cette organisation donnera naissance à l’Action catholique générale. Créée en 1924, la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) constitue l’un de ses exemples célèbres.

En France, l’Association catholique de la jeunesse française (ACJF) est créée en 1886 par Albert de Mun présidée par Henri Savatier. Puis l’ACJF se scinde en formations spécialisées : la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC, 1927), la Jeunesse agricole catholique (JAC, 1929), la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC, 1929), la Jeunesse maritime catholique (JMC, 1932), la Jeunesse indépendante chrétienne (JIC, 1935), la Jeunesse indépendante chrétienne féminine (JICF, 1935). Chacune de ces formations prenant son autonomie, l’ACJF se dissout en 1956.

Le mouvement est porté principalement par des laïcs, bien que soutenus par des théologiens et philosophes tels que Yves Congar, Marie-Dominique Chenu, Emmanuel Mounier et Jacques Maritain (L’humanisme intégral, 1936). Il s’oriente rapidement à gauche de l’échiquier politique, Mounier, fondateur du personnalisme, allant jusqu’à proclamer que « le capitalisme doit être supprimé et remplacé par une organisation socialiste de la production et de la consommation » (Qu’est-ce que le personnalisme ?, 1946)

En 1938, Pie XI créait un office central pour l’Action catholique. À partir de 1950, une quarantaine de mouvements s’organisent au sein de la conférence des Organisations internationales catholiques (OIC). Dans le sillage de ses prédécesseurs, et en prévision du Concile Vatican II qu’il avait annoncé, le Pape Jean XXIII créa une commission préparatoire pour l’apostolat des laïcs en 1960.

Voici à titre d’illustration une liste des principaux mouvements d’Action catholique

A la suite du Concile Vatican II et sous son impulsion d’autres formes d’associations de laïcs sont apparus.

  1. 2.     Les « mouvements ecclésiaux » et les « communautés nouvelles »

Des  mouvements, associations, groupes de spiritualité et services sont nés dans le vent du renouveau du Concile Vatican II et de la redécouverte de la place et du rôle des fidèles chrétiens dans l’église et dans le monde.Grâce à l’ecclésiologie et à la théologie du laïcat, développées par le concile, on a vu surgir à côté des associations traditionnelles, beaucoup de groupements appelés aujourd’hui des « mouvements ecclésiaux » ou des « nouvelles communautés ».Ces mouvements et ces nouvelles communautés se caractérisent par une riche variété de méthodes et d’itinéraires éducatifs extraordinairement efficaces, contenus dans les charismes qui les ont générés. Le charisme est la source et la force extraordinaire de ces mouvements et nouvelles communautés. Le Pape Jean-Paul II reconnait qu’ils portent un potentiel précieux d’évangélisation dont l’Eglise a un besoin urgent aujourd’hui ; ils sont des lieux de formation chrétienne profonde et solide ; ils sont porteurs d’un extraordinaire dynamisme missionnaire et répondent au bon moment aux grands défis dramatiques de notre époque.[1]Citons quelques exemples : Les mouvements du Renouveau Charismatique,la Communauté de l’Emmanuel, la Communauté des Béatitudes, la communauté du Chemin Neuf, Communion et Libération, les Equipes Notre Dame,  la Fraternité Cana, les communautés de l’Arche,Foi et Lumière, la Communauté Sant’ Egidio, la Communauté Catholique Shalom,les Foyers de Charité,International Charismatic Renewal Services,le Mouvement Contemplatif « P. de Foucauld »,  le chemin du Néo-Catéchuménat, la Légion de Marie, le Mouvement Sacerdotal Marial,  l’Association du Cœur Immaculé de Marie (ACIM), Fraternité Donum Dei, Jeunesse-Lumière,Lumière et Vie, Redemptoris Missio, World Wide MarriageEncounter, l’Association Catholique contre la Torture (ACAT), et plus près de nous, la Communauté du Divin Amour, Evangile Pour Tous (EPT), Association Catholique des Hommes d’Affaires du Burkina (ACATHA-B),Yelboundi-Forum,etc.

D’autres formes d’associations de fidèles laïcs existent encore sur le champ de l’apostolat contribuant à étendre le message de l’évangile dans toutes les ramifications de la société.

  1. 3.     Les mouvements, associations, groupes et servicesissus du cadre institutionnel de l’apostolat

A côté de ces mouvements et associations, plus ou moins autonomes, nés des charismes de leurs fondateurs, existent des associations, groupes, structures et services qui émanent de l’organisation institutionnelle et canonique de l’apostolat dans l’église. Ceux-ci se déploient à travers les structures des églises particulières,diocèses et paroisses. Ce sont entre autres les Conseils Nationaux des Laïcs, (CNL) les Conseils Diocésains des Laïcs, (CDL) les Conseils Paroissiaux des Laïcs, (CPL)les Conseils Paroissiaux pour les Affaires Economiques (CPAE), les CCB, les Associations des Femmes Catholiques, (Nationales, Diocésaines, Paroissiales), les Associations des Veuves, les Associations des commerçants des yards (yaar) et marchés, les Enfants de Chœur, le Service d’Ordre, les Chorales paroissiales, les Papas et Mamans Catéchistes (PMC), les Catéchistes Titulaires, les Catéchistes Volontaires, les Jeunesses diocésaines et paroissiales, les groupes de lecteurs, les ministres extraordinaires de l’eucharistie ou de la célébration des funérailles, les groupes paroissiaux divers et les mouvements d’action catholique aux plans national, diocésain et paroissial, comme les CV-AV, la JEC, les JTC etc. Ces groupes suscités par la hiérarchie, dans ou par le cadre institutionnel de l’apostolat relèvent de l’autorité pastorale directe des évêques, des curés et des aumôniers.

Après ces clarifications utiles penchons-nous sur le caractère ecclésial de ces mouvements, associations, groupes spirituels et services.

II.               « Ecclésialité » des mouvements d’action catholique, associations, groupes de spiritualité et services

  1. 1.     L’Apostolat des laïcs.

Le document conciliaire Apostolicam actuositatem sur l’apostolat des laïcs définit l’apostolat comme toute activité du Corps mystique visant à étendre le règne du Christ à toute la terre, pour la gloire de Dieu le Père et à faire participer tous les hommes à la rédemption et au salut. Cette activité l’Église l’exerce par tous ses membres.  Ainsi la vocation chrétienne est aussi par nature vocation à l’apostolat. Mais si dans l’Eglise il y a diversité de ministères, il y a unité de mission. « Le Christ a confié aux apôtres et à leurs successeurs la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner en son nom et par son pouvoir. Mais les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument, dans l’Église et dans le monde, leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier. Ils exercent concrètement leur apostolat en se dépensant à l’évangélisation et à la sanctification des hommes ; il en est de même quand ils s’efforcent de pénétrer l’ordre temporel d’esprit évangélique et travaillent à son progrès de telle manière que, en ce domaine, leur action rende clairement témoignage au Christ et serve au salut des hommes. Le propre de l’état des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires profanes ; ils sont appelés par Dieu à exercer leur apostolat dans le monde à la manière d’un ferment, grâce à la vigueur de leur esprit chrétien. » (A.A.2)

Cette vocation à l’apostolat qui découle de leur union même avec le Christ de par le baptême et la confirmation se réalise dans les communautés ecclésiales où ils s’insèrent en prenant une part active à la vie liturgique et aux œuvres apostoliques (Cf. A.A.10). Au sein de leurs familles ils sont les coopérateurs de la grâce et les témoins de la foi ; dans leur milieu social ils s’efforcent de pénétrer d’esprit chrétien la mentalité et les mœurs, les lois et les structures. Sur ce terrain ils peuvent mener l’apostolat du semblable envers le semblable (Cf. A.A 11.13).

Dans cet engagement « les laïcs peuvent organiser leur action apostolique soit individuellement soit groupés en diverses communautés ou associations » (A.A.15) selon les circonstances. Mais « l’homme est social par nature et [qu’] il a plu à Dieu de rassembler ceux qui croient au Christ pour en faire le Peuple de Dieu (cf. 1 P 2, 5-10) et les unir en un seul corps (cf. 1 Co 12, 12). L’apostolat organisé correspond donc bien à la condition humaine et chrétienne des fidèles ; il présente en même temps le signe de la communion et de l’unité de l’Église dans le Christ qui a dit : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20). » (A.A. 18 ; Cf. Christi fideles Laici, 29)

Ces passages du texte conciliaire indiquent clairement que l’Eglise non seulement invite ses membres à l’apostolat mais les encourage à s’associer et à agir collectivement et de manière organisée afin d’atteindre tous les buts de l’apostolat d’aujourd’hui et d’en protéger les fruits.

Tout en reconnaissant une grande variété dans les associations le Concile considère en premier lieu « ceux qui favorisent et mettent en valeur une union plus intime entre la vie concrète de leurs membres et leur foi » car les organisations « doivent servir la mission de l’Église envers le monde.  Leur valeur apostolique dépend de leur conformité aux buts de l’Église, ainsi que de la qualité chrétienne de leur témoignage et de l’esprit évangélique de chacun de leurs membres et de l’association tout entière. » (A.A.19).

Le lien nécessaire avec l’autorité ecclésiastique étant assuré, l’Église reconnait aux fidèles laïcs le droit de fonder des associations, de les diriger et d’adhérer à celles qui existent. (Cf. A.A. 19)Et le Code de Droit Canonique affirme: «Les fidèles ont le droit de fonder et de diriger librement des associations de charité ou de piété, ou qui se proposent de travailler à l’extension de la vocation chrétienne dans le monde; ils ont aussi le droit de tenir des réunions afin de poursuivre ensemble ces mêmes fins»(can.215). La communion ecclésiale, déjà présente et opérante dans l’action de chaque personne, trouve une expression spécifique dans l’action en commun des fidèles laïcs, c’est-à-dire une action solidaire menée dans une participation responsable à la vie et à la mission de l’Eglise. L’exhortation apostolique post-synodale Christi fideles laici  précise que c’est  la raison ecclésiologique de la communion qui explique, d’une part, le «droit» d’association propre aux fidèles laïcs et, d’autre part, la nécessité de «critères» de discernement pour vérifier l’authenticité ecclésiale des formes d’association.Il s’agit ici d’une liberté reconnue et garantie par l’autorité ecclésiastique et qui doit s’exercer toujours et uniquement dans la communion de l’Eglise; en ce sens, le droit des fidèles laïcs à se réunir est essentiellement lié à la vie de communion et à la mission de l’Eglise elle-même. (n.29)

Les mouvements, associations, groupes de spiritualité et services dans l’Église sont des formes de l’apostolat organisé et doivent répondre à des critères d’ecclésialité pour être reconnus comme mouvements d’Église. Ces critères ont été définis et précisés dans l’exhortation apostolique post-synodale Christi fideles laici, (n. 30).

  1. Critères d’« ecclésialité » des mouvements, associations, groupes de spiritualité et services dans l’Eglise.

L’exhortation insiste que c’est toujours dans la perspective de la communion et de la mission de l’Eglise, et non pas en opposition avec la liberté d’association, qu’il faut comprendre la nécessité de critères bien clairs et précis de discernement et de reconnaissance des associations de laïcs, qu’on nomme aussi «critères d’ecclésialité».

Comme critères fondamentaux pour le discernement de toute association de fidèles laïcs dans l’Eglise on peut retenir, en les prenant ensemble, les critères suivants:

Le primat donné à la vocation de tout chrétien à la sainteté, manifesté «par les fruits de grâce que l’Esprit produit dans les fidèles» (L.G., 39), comme croissance vers la plénitude de la vie chrétienne et la perfection de la charité (L.G., 40).

En ce sens toute association de fidèles laïcs est appelée à être toujours davantage un moyen de sanctification dans l’Eglise, un moyen qui favorise et encourage «une union plus intime entre la vie concrète de leurs membres et leur foi» (A.A., 19).

L’engagement à professer la foi catholique en accueillant et proclamant la vérité sur le Christ, sur l’Eglise et sur l’homme, en conformité avec l’enseignement de l’Eglise, qui l’interprète de façon authentique. Toute association de fidèles laïcs devra donc être un lieu d’annonce et de proposition de la foi et d’éducation à cette même foi dans son contenu intégral.

Le témoignage d’une communion solide et forte dans sa conviction, en relation filiale avec le Pape, centre perpétuel et visible de l’unité de l’Eglise universelle (L.G., 23), et avec l’Evêque, «principe visible et fondement de l’unité» (Cf. L.G., 23) de l’Eglise particulière, et dans «l’estime mutuelle de toutes les formes apostoliques de l’Eglise» (A.A., 23).

La communion avec le Pape et avec l’Evêque doit s’exprimer dans une disponibilité loyale à recevoir leurs enseignements doctrinaux et leurs directives pastorales. La communion ecclésiale exige, de plus, la reconnaissance du légitime pluralisme des fidèles laïcs dans l’Eglise et, en même temps, la disponibilité à une mutuelle collaboration.

v L’accord et la coopération avec le but apostolique de l’Eglise, qui est «l’évangélisation et la sanctification des hommes, et la formation chrétienne de leur conscience, afin qu’ils soient en mesure de pénétrer de l’esprit de l’Evangile les diverses communautés et les divers milieux» (A.A., 23).

Dans cette perspective, à toutes les formes d’association des fidèles laïcs et à chacune d’elles on demande qu’elles soient animées d’un élan missionnaire qui en fasse des instruments toujours plus actifs d’une nouvelle évangélisation.

L’engagement à être présents dans la société humaine pour le service de la dignité intégrale de l’homme, conformément à la doctrine sociale de l’Eglise.

En ce sens, les associations de fidèles laïcs doivent devenir des courants vivants de participation et de solidarité pour créer des conditions plus justes et plus fraternelles à l’intérieur de la société.

Ces critères fondamentaux trouvent une vérification dans les fruits concrets qui accompagnent la vie et les œuvres des diverses formes associatives, en particulier le goût renouvelé pour la prière, la contemplation, la vie liturgique et sacramentelle; l’aide à la prise de conscience des vocations au mariage chrétien, au sacerdoce ministériel, à la vie consacrée; la disponibilité à prendre part aux programmes et aux activités de l’Eglise tant sur le plan national que sur le plan international; l’engagement dans la catéchèse et la capacité pédagogique pour la formation des chrétiens; l’impulsion à assurer une présence chrétienne dans les différents milieux de la vie sociale; la création et l’animation d’œuvres caritatives, culturelles et spirituelles; l’esprit de détachement et de pauvreté évangélique en vue d’une plus généreuse charité envers tous; la conversion à la vie chrétienne ou le retour à la communion de baptisés «lointains».[2]

Peut-on dire que les mouvements, associations, groupes de spiritualité que nous avons considérés répondent à ces critères d’ecclésialité ? Parmi les diverses formes d’apostolat des laïcs on reconnait que certaines, en union particulièrement étroite avec la hiérarchie ont poursuivi et poursuivent des buts proprement apostoliques.Ces institutions,très fécondes pour le règne du Christ, recommandées et favorisées à juste titre par les papes et de nombreux évêques,  ont reçu d’eux le nom d’Action catholique ; elles ont été le plus souvent décrites comme une collaboration des laïcs à l’apostolat hiérarchique. Le Concile recommande instamment ces institutions qui répondent en beaucoup de pays aux nécessités de l’apostolat de l’Église (Cf. A.A., 20).

Ces derniers temps, remarque le Pape Jean-Paul II dans son exhortation apostolique post synodale,  le phénomène d’association entre laïcs a pris des formes particulièrement variées et une grande vitalité. Ce phénomène a pris un essor spécial; on a vu naître et se répandre différentes formes de groupements: associations, groupes, communautés, mouvements. En effet, à côté des groupements traditionnels, et parfois à leurs racines mêmes, ont germé des mouvements et groupements nouveaux, dotés d’une physionomie et d’une finalité spécifiques témoignant de la grande richesse et de la variété des ressources de l’Esprit Saint dans le tissu ecclésial, et aussi de la grande capacité d’initiative et de la générosité de notre laïcat.Ces groupements de laïcs apparaissent souvent très différents les uns des autres en divers aspects, comme leur forme extérieure, les cheminements et les méthodes d’éducation, et les champs d’action. On y découvre cependant les lignes d’une convergence large et profonde dans la finalité qui les inspire: celle de participer de façon responsable à la mission de l’Eglise, qui est de porter l’Evangile du Christ comme source d’espérance pour l’homme et de renouveau pour la société.(Christi fideles laici, n. 29).

Il faut avant tout reconnaître la liberté d’association des fidèles laïcs dans l’Eglise. Cette liberté est à proprement parler un droit véritable, qui ne dérive pas d’une sorte de «concession» de l’autorité, mais qui découle du Baptême, qui, en tant que sacrement, appelle les fidèles laïcs à participer activement à la communion et à la mission de l’Eglise.Cependant,les Pasteurs de l’Eglise ne peuvent pas renoncer à l’exercice de leur autorité, non seulement pour le bien de l’Eglise, mais aussi pour le bien des associations de laïcs elles-mêmes. Il faut donc qu’ils doublent leur œuvre de discernement d’un effort pour guider et surtout pour encourager la croissance des associations de fidèles laïcs dans la communion et la mission de l’Eglise.Il est extrêmement opportun que certaines associations nouvelles et certains mouvements nouveaux, étant donné leur diffusion souvent nationale et même internationale, reçoivent une reconnaissance officielle, une approbation explicite de l’autorité ecclésiastique compétente.

Dans son discours aux mouvements ecclésiaux et communautés nouvelles à la clôture de leur congrès mondial, le 30 Mai 1998 à Rome, le pape Jean-Paul II[3] a rappelé l’expérience que l’Eglise a vécue au Concile ; sous la conduite de l’Esprit Saint l’Eglise a redécouvert que la dimension charismatique était constitutive de son être : l’Esprit Saint ne se borne pas à sanctifier le peuple de Dieu par les sacrements et les ministères, à le conduire et à lui donner l’ornement des vertus, il distribue aussi parmi les fidèles de tous ordres, « répartissant ses dons à son gré en chacun » (1Co.,12,11) les grâces spéciales qui rendent aptes et disponibles pour assumer les divers charges et offices utiles au renouvellement et au développement de l’Eglise » ( L.G.12).  Ainsi l’aspect institutionnel et l’aspect charismatique sont comme co-essentiels à la constitution de l’Eglise et concourent,même si c’est de manière diverse, à sa vie, à son renouveau et à la sanctification du peuple de Dieu. C’est à partir de cette redécouverte providentielle de la dimension charismatique de l’Eglise que, avant et après le Concile, s’est affirmée une lignesingulière de développement des mouvements ecclésiaux et des communautés nouvelles. (JP II, n.4). Comment garder et garantir l’authenticité du charisme ? A cet égard le pape dit qu’il est fondamental que chaque mouvement se soumette au discernement de l’autorité ecclésiastique compétente. Aucun charisme ne dispense de la référence et de la soumission aux Pasteurs de l’Eglise. Le Concile écrit clairement : « c’est à ceux qui ont la charge de l’Église de porter un jugement sur l’authenticité de ces dons et sur leur usage bien entendu. C’est à eux qu’il convient spécialement, non pas d’éteindre l’Esprit, mais de tout éprouver pour retenir ce qui est bon (Cf. 1Th 5, 12.19. 21) » (L.G., 12) (JP II, n.8)

Jean-Paul II[4] exhorte  Pasteurs et fidèles à favoriser et à entretenir sans cesse l’existence de liens et de rapports fraternels d’estime, de cordialité, de collaboration entre les différentes formes d’associations de laïcs. C’est de cette façon seulement que la richesse des dons et des charismes que le Seigneur offrepeut porter sa contribution féconde et ordonnée à l’édification de la maison commune. (cf. Rm 12,10)

  1. 3.     En guise de conclusion : Place et rôle des mouvements d’action catholique, associations, groupes de spiritualité dans l’Eglise et dans le monde.

La place et le rôle des associations de laïcs dans l’église et dans la société se trouvent implicitement dans les critères de leur ecclésialité. Pour répondre  aux exigences de leur vocation chrétienne qui les députe à l’apostolat, les fidèles chrétiens doivent s’engager. Ils doivent prendre leur part de responsabilité dans le ministère apostolique pour évangéliser et sanctifier les hommes. Ils doivent le faire par le témoignage personnel de la vie, mais surtout ils doivent par l’action pénétrer d’esprit évangélique l’ordre temporel. Le propre de l’état des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires profanes, ils sont appelés par Dieu à exercer leur apostolat dans le monde à la manière d’un ferment, grâce à la vigueur de leur esprit chrétien. Pour réussir cette tâche ils ont besoin de se constituer en  associations diverses d’apostolat pour s’investir dans les communautés ecclésiales et dans le monde.Il existe une grande variété dans les associations d’apostolat. Les unes se proposent d’atteindre le but apostolique général de l’Église ; d’autres des buts d’évangélisation et de sanctification envisagés sous un angle particulier ; d’autres visent à l’animation chrétienne de l’ordre temporel ; d’autres rendent témoignage au Christ plus spécialement par les œuvres de miséricorde et de charité ; d’autres encore grâce à une extraordinaire expérience de l’Esprit répondent aux défis du monde contemporain en formant des communautés nouvelles qui deviennent de véritables laboratoires de la foi, d’authentiques écoles de vie chrétienne, de sainteté et de mission.

Toutes ces associations de fidèles laïcs doivent vivre dans la communion avec l’Eglise et cultiver un sens élevé de la mission. Elles doivent êtreun moyen de sanctification dans l’Eglise, un moyen qui favorise et encourage «une union plus intime entre la vie concrète de leurs membres et leur foi » ; elles doivent adhérer fermement à lafoi catholique, la professer, la promouvoir  et la défendre dans le monde, par la parole et par les actes. Elles doivent donner le témoignage d’une communion solide et forte avec le Pape, centre perpétuel et visible de l’unité de l’Eglise universelle, et avec l’Evêque, «principe visible et fondement de l’unité» de l’Eglise particulière.La communion avec le Pape et avec l’Evêque doit s’exprimer dans une disponibilité loyale à recevoir leurs enseignements doctrinaux et leurs directives pastorales. La communion ecclésiale exige, de plus, la reconnaissance du légitime pluralisme des fidèles laïcs dans l’Eglise et, en même temps, la disponibilité à une mutuelle collaboration. Elles doivent coopérer au but apostolique de l’Eglise et être animées d’un élan missionnaire. Les associations de fidèles laïcs doivent devenir des courants vivants de participation et de solidarité pour créer des conditions plus justes et plus fraternelles à l’intérieur de la société.

Merci de votre aimable et indulgente attention !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


[1] Jean-Paul II, homélie lors de la veillée de Pentecôte, 31 mai 1996, n.7

[2] Jean-Paul II,Christifideleslaici, Exhortation apostolique post-synodale, La vocation et la mission des laïcs dans l’Eglise et dans le monde, 30 décembre 1988, no 30.

[3] Jean-Paul II, Discours aux mouvements et communautés nouvelles, in DC, N. 2185, 5 juillet 1998, p.624-626

[4] Jean Paul II, Christifideleslaici, Exhortation apostolique post-synodale sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Eglise et dans le monde, décembre 1988, n.31.