Synode : Beaucoup de jeunes privés de l’éducation au Burkina

L’évêque de Manga définit les jeunes de Burkina Faso et du Niger, deux pays qui forment une seule conférence épiscopale, en fonction de trois critères : son niveau, sa fonction et sa pratique religieuse. « D’abord parlant du niveau, nous avons deux groupes de jeunes, ceux qui ont terminé les études, qui sont instruits, et ceux qui n’ont pas été à l’école, ou encore qui y ont été, mais n’ont pu achever leurs études. Ensuite, en ce qui concerne le travail (fonction), nous avons des jeunes qui ont un emploi stable. D’autres sont dans le secteur informel, avec ou sans diplôme, et ne sont pas rémunérés par l’Etat. Il s’agit des jeunes menuisiers, des mécaniciens, ceux qui se sont lancés de manière personnelle dans la vie active. Il y a également ceux du secteur primaire qui s’adonnent aux activités agro-pastorales. Enfin, au niveau de la pratique religieuse, nous avons des jeunes fervents qui vont régulièrement à la messe, essaient de donner un sens à leur vie, et veulent être formés à comprendre le mystère de l’Eglise, leur vie. Il y a aussi ceux qu’on appelle les participants, c’est-à-dire ceux qui se disent chrétiens, qui sont préoccupés à être de bons chrétiens, pour ne pas aller en enfer ; ceux qui veulent être en règle avec la loi de Dieu, la loi de l’Eglise. Nous avons aussi ceux qu’on pourrait appeler les saints, pas ceux déjà canonisés par Rome, mais plutôt ceux qui essaient de vivre de manière quotidienne leur foi, ceux qui sont des exemples, qui essaient de mettre un caractère spirituel dans ce qu’ils font, et d’évangéliser à travers leurs témoignages», détaille Mgr Sayaogo.

Les défis de la jeunesse

Les problèmes liés au chômage, à l’éducation, et à la pratique religieuse sont des défis à relever au Burkina Faso et au Niger, estime le délégué de la Conférence épiscopale Burkina-Niger. Dans ces pays de l’Afrique de l’ouest, les jeunes désorientés, ne savent plus à quel saint se vouer. « Le premier défi est celui du travail. Les jeunes qui ont réussi à faire un parcours scolaire assez acceptable, une fois à la fin de leur cursus avec un diplôme, n’obtiennent pas d’emploi. Et beaucoup d’entre eux veulent être employés par l’Etat. Le deuxième défi, c’est celui de l’éducation. Il faut reconnaitre qu’au Burkina Faso par exemple, le problème de l’éducation se pose aujourd’hui. L’Etat est bien sûr le garant de l’éducation de ses fils, mais il faut se dire qu’il n’arrive pas à pourvoir à cette éducation », explique Mgr Sayaogo. Face à cette situation, l’Eglise apporte son aide comme partenaire privé. Selon l’évêque du diocèse de Manga,  le Burkina Faso est confronté à un foisonnement d’écoles et d’instituts privés, qui influent sur la qualité du système éducatif. « Il y a des  partenaires privés qui font que devant le manque de possibilités d’absorber toute la jeunesse burkinabé dans l’éducation scolaire, les établissements scolaires ont poussé comme des champignons après une pluie. Beaucoup de jeunes n’ont pas accès à une éducation de qualité, ce qui fait qu’à la fin de leur parcours scolaire, le niveau est très bas. Je crois que l’Eglise catholique au Burkina Faso et au Niger, est en train de mettre les bouchées doubles, afin que ces écoles de la maternelle, du  primaire, du secondaire, et de l’université puissent vraiment absorber le plus grand nombre possible de burkinabés », affirme Mgr Sayaogo. Un autre défi pour les deux pays est la pratique religieuse. « Nous sommes aujourd’hui dans un monde où les confessions religieuses et les courants philosophiques naissent facilement. Lorsque les jeunes n’ont pas un accompagnement solide et sérieux, ils ont tendance à écouter ces promoteurs de bonheur, et cela constitue un danger pour la jeunesse catholique du Burkina-Faso et du Niger ».

Les jeunes accros aux réseaux sociaux

De nos jours, les réseaux sociaux occupent une place importante dans la vie de beaucoup de jeunes burkinabés et nigériens, ce qui n’est pas sans conséquence. Une situation que déplore le délégué de la Conférence épiscopale Burkina-Niger. « Aujourd’hui tout le monde a accès aux téléphones portables. Avec ces téléphones, même ceux qui ne sont pas partis à l’école, réussissent à envoyer des messages. Il faut reconnaitre que le monde du numérique est entré dans la vie de notre jeunesse aujourd’hui. Au niveau des paroisses, lorsque vous avez des annonces à passer à la fin de la messe, les jeunes ne vous écoutent plus.  C’est peut-être un avantage, mais cela comportent aussi des inconvénients. Nous appelons généralement ces jeunes, la génération tête baissée. Ils manipulent tout le temps leurs portables, même au cours des réunions. Ce qui est dramatique, c’est que dans nos églises, certains répondent à des coups de fils téléphoniques pendant  la messe », affirme Mgr Sayaogo.

Comparaison entre la jeunesse d’hier et celle d’aujourd’hui

« Même si au Burkina Faso en guise d’exemple, on ne peut parler de conflits de générations, il faut se dire qu’il y a une certaine distance entre ma génération qui n’est pas très vielle et la génération d’aujourd’hui. Nous voyons de nos jours que les jeunes, une fois au sacerdoce, leur mentalité change. Il n’y a pas de conflits de génération, mais je dirais que petit à petit, je reconnais qu’entre  ma génération et la génération actuelle, il y a déjà un pas de franchi. Et bien sûr, entre cette génération d’aujourd’hui, et celle qui nous arrivera demain, il y aura un changement énorme, et moi dans quelques temps je ne me retrouverai pas ».

Le Synode, un apport pour les jeunes

« Je crois que le Synode va être d’un grand apport pour la jeunesse du Burkina Faso et du Niger. Si le Synode arrive à proposer aux conférences épiscopales, aux évêques qui ne sont pas dans une conférence épiscopale, de pouvoir rencontrer les jeunes de temps en temps, les écouter, leur suggérer des repères à partir de l’évangile du Christ, je me dis c’est déjà un pas de gagné. Si, après ce Synode, nous réussissons encore à faire comprendre aux jeunes qu’ils ont besoin de puiser leur sagesse dans celle des anciens, afin de conjuguer cela avec leur énergie aujourd’hui, le Synode aurait fait un pas en avant, au niveau de la jeunesse du Burkina Faso et du Niger. Je n’oublie pas le coté spirituel. Si le Synode arrive à nous faire comprendre que beaucoup de choses doivent renforcer l’élan spirituel des jeunes, leur demander, leur permettre de rencontrer personnellement le Christ, chacun au cours d’une journée, je me dis que ce Synode ne peut pas être en reste au niveau de la vie de notre jeunesse», indique Mgr Sayaogo .

Messages aux jeunes du Burkina Faso et du Niger

Le délégué de la Conférence épiscopale Burkina-Niger appelle les jeunes de ces deux pays au courage. Les jeunes burkinabés et nigériens dans l’attente des conclusions du Synode, ont tenu récemment une réunion pour discuter de leur avenir  après cette grande rencontre qui se tient à Rome. Mgr Sayaogo se réjouit de cette initiative qui montre la maturité et la détermination de cette jeunesse. « Je leur ai dit qu’avec la création, d’une commission épiscopale pour la jeunesse au niveau de notre conférence, c’est dire qu’ensemble on est avec le Christ et nous sommes prêts à relever le défi », indique l’évêque de Manga.

Jean-Pierre Bodjoko, SJ – Cité du Vatican