DES EVEQUES DU BURKINA FASO SUITE AU DRAME D’INATA DU 14 NOVEMBRE 2021

 

MESSAGE DE COMPASSION DES EVEQUES DU BURKINA FASO SUITE AU DRAME D’INATA DU 14 NOVEMBRE 2021

 

Aux Prêtres,

Aux Consacrés,                                     

Aux Laïcs,

Aux Fils et Filles de l’Eglise-Famille de Dieu au Burkina Faso,

A tout Homme et toute Femme de bonne volonté,

 

Nous avons suivi avec beaucoup d’appréhension la forte et brusque dégradation de la situation sécuritaire dans notre pays depuis quelques temps. Notre peuple, alors qu’il se bat vaillamment contre l’hydre terroriste, vient d’être endeuillé une fois de plus par l’attaque meurtrière du Camp de Gendarmerie d’Inata dans le Soum, après celles de Toeni et de l’axe Dori-Essakane. Cette attaque que nous condamnons fermement a malheureusement fait de nombreuses victimes militaires et quelques-unes parmi les civils.

Profondément touchés par ce drame, nous, les Evêques du Burkina Faso, manifestons notre compassion à tout le peuple burkinabè meurtri par ce deuil. Nous présentons nos condoléances en particulier aux familles éplorées, aux frères d’armes des militaires tombés ainsi qu’à toutes les forces de défense et de sécurité et à tous les Volontaires pour la Défense de la Patrie. En cette douloureuse circonstance, nous élevons nos prières vers Dieu pour le repos éternel de nos soldats morts sur le champ de bataille. Puisse-t-il les accueillir dans sa paix et, à travers la proximité de toute la Nation, consoler les veuves et les orphelins, accorder un prompt rétablissement aux blessés et ramener à la maison ceux qui sont encore dispersés.

Ce drame qui nous frappe a servi de détonateur à plusieurs manifestations à travers notre pays. Celles-ci expriment le ras-le-bol et l’incompréhension des populations devant ce qui apparait manifestement comme l’impuissance de l’Etat à garantir le droit élémentaire de la protection de la vie humaine et l’intégrité de notre territoire. Ces réactions et ces manifestations sont compréhensibles car elles traduisent le refus d’assister passivement au délitement de notre pays et à la banalisation des meurtres à grande échelle. Toutefois, en des circonstances pareilles, la sagesse enseigne qu’il faut toujours agir avec prudence, discernement et mesure. C’est pourquoi, nous voulons vous inviter à sauvegarder l’essentiel et à privilégier l’intérêt supérieur de la Nation malgré l’indignation légitime qu’on peut ressentir. Car notre union fait notre force. Nous diviser en ces moments, c’est ajouter des inconnus à l’équation d’une situation déjà instable, ne faisant alors que le jeu de ceux qui nous attaquent.

Ce constat commande que nous puissions favoriser un dialogue vrai et constructif ; car sans dialogue, nous ne pouvons résoudre aucun problème encore moins celui bien délicat de la crise sécuritaire et ses corollaires. Ce dialogue que nous préconisons doit pouvoir s’établir au sein des populations, des Organisations de Société Civile, des partis politiques et au niveau des autorités politiques, militaires, coutumières et religieuses mais aussi avec nos partenaires financiers et militaires. A travers ces différentes instances et échelles, une recherche sincère et commune du bien de notre pays ne peut que nous aider à faire les diagnostics pertinents à même de nous permettre de poser les bases d’une approche efficiente capable de conjurer le malheur qui frappe notre pays. Mais ce dialogue doit s’établir aussi entre les gouvernants et le peuple. En effet, il ne faut pas nous leurrer : personne, pris isolément, n’a la solution à ce problème. Nous ne pourrons nous en sortir qu’en conjuguant nos efforts, en fédérant nos énergies.

A cet effet, nous souhaitons que le gouvernement communique avec courage et transparence sur la situation sécuritaire de notre pays pour créer l’union sacrée voulue par tous. Il est encourageant de constater qu’il la déjà fait au sujet des tristes événements récents d’Inata avec la promesse d’actions urgentes et concrètes. Mais à ce sujet, les attentes des populations demeurent nombreuses, profondes et angoissées. La qualité de la communication du gouvernement contribuera à apaiser les cœurs et les esprits, et aidera à mieux faire comprendre la complexité de la situation qui commande effectivement cette union sacrée.

Chers Fils et Filles de l’Eglise-Famille de Dieu au Burkina Faso et vous tous Hommes et Femmes de bonne volonté,

 

Permettez-nous de vous lancer cet appel : Ne perdez pas l’espérance ! Il y a encore un bien commun qui nous rassemble (qui est notre raison de vivre) et pour lequel nous ne devons avoir de cesse de nous battre. C’est le BURKINA FASO. Il nous faut donc garder l’espérance car notre histoire commune nous enseigne que dans les situations critiques où notre pays a tangué, nos devanciers ont su toujours puiser des forces dans notre patrimoine commun pour s’unir en vue de le bâtir et de relever les défis de leur temps.

Comme croyants, nous savons que si Dieu ne bâtit la maison, les travailleurs travaillent en vain (cf. Psaume 126, 1). C’est pourquoi, à nos efforts humains, il nous faut joindre la supplication et l’intercession pour que Dieu nous vienne en aide. Chaque Burkinabè, suivant ses convictions religieuses, est invité à soutenir notre pays en ces moments difficiles.

Quant aux chrétiens catholiques, nous les exhortons à intensifier leurs prières pour implorer l’aide de Dieu en faveur de notre Nation. Que chacun prie selon sa sensibilité spirituelle pour obtenir de Dieu la fin du fléau du terrorisme. Cela se fera, pour nous catholiques, essentiellement par l’Eucharistie, source et sommet de toute vie chrétienne. Certes, toutes sortes de dévotions restent possibles parce que toujours utiles, mais nous, vos Evêques, vous invitons à un vécu sincère de l’Eucharistie, Sacrifice du Christ qui sauve le monde.

Dans cette perspective eucharistique, nous vous invitons à une triple solidarité :

  • La première que nous expérimentons dans la prière car tous nos efforts humains ne peuvent porter du fruit qu’en se fondant sur Dieu. C’est une conviction de notre foi puisque sans Dieu, notre vie tombe en ruine (cf. Oraison après la communion, 5è dimanche de Pâques).
  • La deuxième, conséquence de la première, consiste à soigner la qualité de notre relation avec nos frères et sœurs, forts de notre relation avec Dieu. Nous sommes alors invités à une solidarité concrète en termes de soutien et de partage avec les plus pauvres.
  • La troisième se manifeste par la proximité et la compassion avec ceux qui vivent directement des malheurs : les veuves, les orphelins, les parents éplorés par la perte d’un des leurs dans cette crise, les populations vulnérables, les populations des zones écumées ou assiégées par les terroristes. Il y a lieu de nous départir de toute insouciance et de toute indifférence qui sont une offense à nos concitoyens vivant ces drames.

Chers Fils et Filles de l’Eglise-Famille de Dieu au Burkina Faso et vous tous Hommes et Femmes de bonne volonté,

Pour favoriser la communion dans les diverses initiatives de tous les diocèses du Burkina Faso, nous proposons ce qui suit :

  1. Les fidèles sont invités à participer plus fréquemment à l’Eucharistie, surtout celle du dimanche et des jours de fête. A la fin de chaque célébration eucharistique, on dira un Pater – un Ave Maria – la prière à Saint Joseph ou la prière pour le Burkina Faso et un « Gloria Patri ».
  2. L’adoration eucharistique et le Rosaire ainsi que les neuvaines de prières sont fortement recommandés.
  3. Sont également recommandés, le jeûne et le partage dont les fruits seront récoltés pour soutenir les familles des victimes.

Puisse la Bienheureuse Vierge Marie, Reine de la paix et saint Joseph, Protecteur de l’Eglise universelle, accompagner de leur puissante intercession notre pays en quête de réconciliation, de justice, de paix véritable et durable.

 

Fait à Ouagadougou, le 20 novembre 2021

Pour les évêques du Burkina Faso

Le président de la Conférence Episcopale Burkina-Niger

 

 

Mgr Laurent B. DABIRE

Evêque de Dori