Bien chers fils et filles de l’Eglise Famille de Dieu à OUAGADOUGOU, la Paix soit avec Vous !
« Béni soit Dieu le Père de notre Seigneur Jésus-Christ ! Il nous a comblés de toutes sortes de bénédictions spirituelles dans le Christ.» (Eph 1,3)
Avec ces paroles de l’Apôtre Paul et en communion avec vous, je rends grâce à Dieu pour les merveilles qu’il ne cesse d’accomplir dans nos vies et dans la vie de notre Eglise Famille de Dieu à Ouagadougou et au Burkina Faso.
Nous venons de vivre au sanctuaire marial de Yagma, le pèlerinage national au cours duquel nous avons rendu grâce à Dieu pour l’élévation de votre Pasteur à la charge cardinalice. Que le nom du Seigneur soit béni maintenant et pour les siècles des siècles.
Je saisis ici l’opportunité pour traduire à tous ma profonde et sincère gratitude pour la foi et la générosité dont vous avez fait preuve autour de cet événement ecclésial. En effet, depuis l’annonce de ma nomination le 12 janvier 2014 jusqu’aujourd’hui, vous m’avez accompagné spirituellement et affectueusement dans l’accueil de ce don merveilleux du Seigneur et de la sollicitude du Saint Père François à l’endroit de notre Eglise Famille de Dieu. De nombreuses générosités se sont mobilisées pour qu’une forte délégation m’accompagne à Rome pour la cérémonie de création le 22 février 2014. Bien d’autres nous ont soutenus matériellement et financièrement dans l’organisation des festivités à Rome comme à Ouagadougou. Merci à tous et à chacun pour cet élan de foi et de solidarité agissante. Puisse Dieu combler chacun, au-delà de sa générosité et de son espérance.
Le pèlerinage national de Yagma 2014, placé sous le signe de l’action de grâce, nous a introduits aussi dans l’esprit de ce temps de grâce qu’est le carême.
Tout pèlerinage est toujours une démarche de foi qui s’inscrit dans un esprit de pénitence, de conversion en vue de grandir dans l’amour de Dieu et du prochain. C’est dans cette perspective que s’orientent tous nos efforts en ce temps de carême dans lequel nous sommes entrés depuis le mercredi des Cendres.
1- Le sens profond du carême
Je voudrais rappeler ici le sens profond du carême afin que nous puissions le vivre de façon fructueuse. Le carême est un temps de grâce offert aux fils et filles de l’Eglise pour raviver en eux la grâce baptismale. Comme le soulignait le Pape Benoît, dans sa lettre pour le carême 2011, il y a un lien spécifique entre le Baptême et le carême. Selon lui, dans le Baptême, « s’accomplit le grand Mystère où l’homme meurt au péché, devient participant de la vie nouvelle dans le Christ ressuscité… »[1] Mourir au péché, aux œuvres de ténèbres, pour mener une vie toute transformée, c’est toute la démarche du carême qui consiste à raviver en nous la vie nouvelle reçue au Baptême. Ce temps de grâce nous rappelle les exigences fondamentales de l’Evangile et du Baptême que nous devons intégrer dans notre vie quotidienne au prix de renoncements, sacrifices et conversion.
Le carême est un « entraînement au combat spirituel » (cf. oraison du mercredi des cendres) dans notre vie chrétienne. L’objectif de tout entraînement pour un athlète est de se former et d’acquérir des réflexes qui feront désormais partie de sa vie et qui lui permettront de voler de victoire en victoire. Vivre le carême comme lieu d’entraînement, c’est rechercher donc les bons réflexes que sont les vertus pour qu’elles s’enracinent dans notre vie de chrétien. Mais, retenons que seul Dieu peut nous sanctifier et faire porter du fruit nos efforts de conversion, car sans lui, nous ne pouvons rien faire. D’où justement l’attitude de disponibilité et d’abandon à Dieu (ouvrir le cœur à Dieu) pour qu’il transforme « nos cœurs de pierre en cœur de chair. » (cf. Ez 11, 19 ; Si 17,13) En examinant communautairement et individuellement nos vies d’hommes et de femmes, nous pouvons orienter nos efforts de conversion pour vivre une véritable conversion du cœur, grandir dans la sainteté et faire rayonner le visage de nos communautés paroissiales.
Pour ma part, quelques interpellations pourraient orienter nos efforts de conversion.
2- Interpellations pour orienter nos efforts
– Combattre le péché qui mine nos vies
Notre société actuelle a tendance à perdre le sens du péché si bien que des situations de péché, des attitudes immorales sont tolérées et tolérables surtout si elles garantissent l’acquisition de la richesse ou du plaisir. Dans un tel climat, les consciences sont émoussées car ayant perdu complètement les repères …
Pour les chrétiens, ce temps de carême est le temps favorable de conversion pour avoir une conscience vive du péché en vue de le combattre vigoureusement dans notre vie et ramer à contre-courant de l’esprit de ce monde sans foi ni loi. Pour une quête de la sainteté, le combat contre le péché s’avère une nécessité et cela passe par l’amour du sacrement de la réconciliation qui ouvre pour nous les trésors de la miséricorde divine et nous arme de force pour la marche sur le chemin de la vie parfaite. Une fréquentation assidue de ce merveilleux sacrement nous prédispose à avoir une conscience vive du péché et, par conséquent, à le rejeter dans toute sa laideur. Elle nous met à l’abri de « la misère morale »[2] qui rend l’homme esclave du péché et du vice. En outre, une telle attitude nous aide à bien vivre l’Eucharistie car les deux sacrements sont intimement liés. Si nous participons régulièrement à l’Eucharistie, il convient également que nous puissions nous approcher fréquemment du sacrement de la pénitence (la confession des péchés) afin de réserver au Christ, un cœur un peu plus digne de lui.
Chers frères et sœurs, faire l’expérience de la miséricorde de Dieu dans le sacrement de la pénitence, transforme le cœur et la vie et nous pousse aussi à vivre le pardon et la réconciliation.
– Vivre le pardon et la réconciliation au cœur de nos familles et de la société
Frères et sœurs, notre quête de Dieu et de la sainteté en ce temps de carême ne sera vraie que si nous vivons dans l’amour de nos frères. Sur ce plan, nous avons à nous convertir. Combien de personnes au sein d’une même famille (des parents, des frères et sœurs) ne se parlent pas ou entretiennent des rivalités ? Nos différences ou divergences au lieu d’être source d’enrichissement sont, le plus souvent, causes de rivalité, de division ou de haine au sein de nos familles, de la société et parfois même au cœur de nos communautés chrétiennes. Ne laissons pas la rancune, la haine, la jalousie, le manque de pardon venir à bout de nos familles déjà fragilisées par l’esprit de ce monde. « Si quelqu’un dit : « j’aime Dieu » et alors qu’il déteste son frère, c’est un menteur » (1 Jn 4, 20), nous rappelle saint Jean. Le Christ lui-même nous interpelle dans ce sens lorsqu’il enseigne : « si tu présentes ton offrande à l’autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande ; va d’abord te réconcilier avec ton frère puis reviens, présente ton offrande.» (Mt 5, 23-24) C’est l’amour que le Seigneur veut et non les sacrifices, la connaissance de sa personne et non les holocaustes. Durant ce temps de carême, laissons-nous réconcilier avec Dieu et nos frères car c’est la meilleure voie pour ouvrir son cœur à Dieu et au prochain. Ce n’est pas facile de pardonner ou de demander pardon mais par la prière, Dieu peut nous en donner la force et la grâce.
– Témoignage d’amour et édification de la paix
L’Eglise Famille de Dieu en Afrique a le devoir de témoigner du Christ par la promotion de la réconciliation, de la justice et de la paix (cf. Ecclesia in Africa, n° 105). Ce témoignage de l’Eglise doit aller de pair avec l’engagement déterminé de chacun de ses membres, notamment les laïcs qui occupent des fonctions publiques, politiques ou économiques. L’Eglise, par ses fils et filles, doit jouer son rôle prophétique et être la voix des sans-voix, des laissés pour compte, des petits et des pauvres et ce, en se mettant humblement et avec amour à leur service.
Le Bien du Peuple burkinabè tout entier constitue un impératif qui oblige chrétiens, croyants des autres communautés religieuses et hommes de bonne volonté à dépasser les intérêts personnels ou de groupes et à collaborer pour favoriser l’avènement d’une démocratie authentique, d’une société réconciliée dans l’unité, la justice et la paix. On ne le dira jamais assez, la paix qui constitue un Bien commun, est un don de Dieu et le fruit des efforts des hommes. Prions donc instamment le Seigneur de la paix et demandons-lui de nous permettre de vivre dans l’amour, d’aimer la paix et d’œuvrer tous ensemble à son avènement.
3- Appel à l’autoprise en charge et la solidarité dans les communautés
Le temps de carême est ce temps où l’Eglise nous invite avec insistance à l’aumône et au partage (cf. Mt 6,1-4). Je n’ai de cesse de rendre grâce au Seigneur pour la générosité toujours manifeste des fils et filles de notre Eglise Famille de Ouagadougou. Toutes les fois où un appel fort de mobilisation de ressources financières a été lancé, vous avez toujours été fidèles au rendez-vous, donnant généreusement de vos biens pour la réalisation de nos projets pastoraux. Une de nos préoccupations actuelles demeure la prise en charge de nos prêtres âgés pour qui nous voulons construire une maison de retraite dénommée « Maison Jean-Marie Vianney ». Déjà, vos contributions ont permis de réaliser sur le site de cette maison située près du CMA Paul VI, une clôture, un château d’eau et un forage. Nous voulons aller de l’avant dans ce projet. D’où l’institution du 4ème dimanche de carême comme journée de collecte en faveur de la « Maison Jean-Marie Vianney ». J’invite donc le comité « Jean-Marie Vianney », en lien avec les curés des paroisses à faire de cette journée un succès. J’en appelle encore à votre générosité. « On ne donne pas parce qu’on a, mais parce qu’on aime. »
Bien-aimés de Dieu, dans nos quartiers, dans nos communautés chrétiennes, bien de nos frères et sœurs souffrent de la pauvreté et manquent du nécessaire pour survivre. Ces frères et sœurs en humanité sont victimes de ce que le Pape François appelle « misère matérielle »[3], dans son message de carême de cette année. Le temps de carême étant le temps de partage et de solidarité par excellence, œuvrons à les libérer de cette misère matérielle qui, dans la vie d’un homme, peut être source de désaffection sur le plan de la foi. Alors, soyons solidaires les uns des autres par le partage pour que, par notre témoignage de charité, « les consciences se convertissent à l’égalité, à la justice, à la sobriété et au partage »[4].
Conclusion
Frères et sœurs bien-aimés de Dieu, nous avons accueilli dans la ferveur la grâce du Seigneur et la sollicitude du Pape François à l’endroit de notre Eglise Famille de Dieu au Burkina Faso. Tout en réitérant ma gratitude à vous et à tous les burkinabè de bonne volonté, pour votre grande mobilisation autour de cet événement ecclésial, je souhaite que cette grâce accueillie dans un esprit de famille, favorise davantage l’unité, la solidarité dans notre Eglise Famille, dans notre société burkinabè. Daigne le Seigneur renforcer nos liens de communion et de fraternité afin que nous allions au large dans la sainteté et dans le témoignage que nous avons à rendre au Christ en ce monde. Ainsi, nous serons de véritables artisans de paix dans notre cher pays en quête de paix et de cohésion sociale.
Que la Vierge Marie, notre Mère, nous accompagne tout au long de ce temps de carême et intercède pour nous dans notre montée vers Pâques.
+Philippe Cardinal OUEDRAOGO
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou