Dans le cadre de la célébration du bicentenaire de la restauration de la « Compagnie de Jésus », les Jésuites (les religieux de cette Compagnie) en mission au Burkina Faso ont animé une conférence le jeudi 31 juillet 2014, en la fête de Saint Ignace de Loyola, au Centre Spirituel Paam-Yôodo sis à Ouagadougou. La communication qui a été assurée par le Père Jean ILBOUDO de la Théotokos, supérieur des Jésuites au Burkina et le Père Jacques OUEDRAOGO directeur du dit centre, a intégré les témoignages de certaines personnes qui ont rendu compte de l’impact de la spiritualité ignacienne dans leur vie.
« Mon fils, si tu prétends servir le Seigneur, prépare-toi à l’épreuve» (Siracide 2 ,1.)
Dans la première partie de cette conférence qui a été livrée sous forme de panel, les participants ont eu droit à une présentation de la genèse et de l’évolution historique de la compagnie de Jésus. En 1521, alors que la grande Espagne en pleine reconstruction, est obligée de faire le deuil de son apogée dégringolante, et d’observer impuissante, l’hégémonie grandissante de la France, Ignace de Loyola le futur fondateur de la Compagnie de Jésus, navigue dans un climat socio politique extrêmement défavorable qui menace même de lui coûter la vie. Blessé, il n’abjure pas, il se refait le moral dans la lecture de livres spirituels et se laisse impressionner par la vie des saints. Une pratique qui le conduit à faire sa première expérience des discernements des esprits, élément fondamental dans la Compagnie, dont il n’a encore qu’une pâle idée. Encore loin de rêver d’être le fondateur de cette famille de la « Compagnie de Jésus » qui allait grandir et devenir cet arbre géant, Ignace nourrit le projet d’un voyage en terre sainte. Il mettra une année entière pour ce pèlerinage. Ses nuits malheureusement, ne seront pas de tout repos, car à l’instar de son Maître Jésus, il est indésirable et est soumis à un retour forcé vers son natal de Barcelone en Espagne. Atroce coup susceptible d’entamer le moral d’Ignace, mais que celui-ci esquive stoïquement, en décidant de mener des études supérieures, la trentaine pourtant déjà sonnée. Quel courage de fer ! La maladie sans intermittence le visitera. Mais avec des compagnons devenus prêtres comme lui, il prend la décision de se préparer dans une vie contemplative, en vue du grand engagement. Sa quête de Dieu le conduit alors à une transformation profonde de sa personne, et dessine les contours qui vont voir naître la Compagnie de Jésus.
L’âge d’or de la Compagnie de Jésus.
Avec Ignace de Loyola, les Latins qui assertent que « Labor improbus omnia vincit » auront eu fort raison. Le travail acharné en effet de ce Basque, vaincra toute adversité. Celui qui va ajouter aux vœux habituels des religieux, celui de l’obéissance au Pape, va accéder à la demande du pape qui lui confie ainsi qu’à sa compagnie, cette tâche d’enseigner le catéchisme aux enfants de Rome. La reconnaissance tant désirée étant obtenue, ce serviteur impétueux va procéder à la rédaction des constitutions qui désormais allaient guider la « Compagnie de Jésus », dont la naissance restera marquée par l’environnement particulier de la découverte du nouveau monde, de la séparation de l’Eglise et de l’État. Voilà le terreau où la « Compagnie de Jésus » se lance dans la défense et la propagation de la foi, la consolation spirituelle des chrétiens, à travers des prédications publiques.
De la spiritualité à l’enseignement
Une œuvre de Dieu est née, et son succès se fait éclatant dans l’éducation qui cesse d’être seulement un lieu d’instruction. La mission est au cœur de l’esprit jésuite et va ainsi contribuer au renouvellement de la piété du temps qui a vu sa naissance. En terre de mission, les membres de la « Compagnie de Jésus », ces fervents défenseurs des autochtones, se voient comme jouant ce rôle inconfortable d’opposants des colons. Ils s’inscrivent ainsi et résolument du côté du Christ, dans son option préférentielle pour les petits. Le premier centenaire est alors célébré avec faste et avec raison, car la « gloria Dei », la gloire de Dieu tant escomptée et poursuivie par la Compagnie est on ne peut plus chose acquise. Mais les nuages de la menace de suppression toute suite s’amoncelleront. La controverse avec le jansénisme, la querelle du rite chinois que Rome condamnait, participent à attiser le feu. Les colons qui voient en l’Église un opposant farouche inspiré par les Jésuites, trament d’étouffer ces derniers, pour contrer la protection qu’ils assuraient en faveur des indigènes. Les colons Portugais et Espagnols puissamment présents dans le nouveau monde et en Chine, demandent aux rois de leurs pays respectifs, d’exercer une pression sur le Pape afin qu’il supprime la compagnie de Jésus. Et ce fut ainsi.
Suppression et restauration de la « Compagnie de Jésus ».
Quand on veut abattre son chien, on l’accuse de rage dit-on. La Compagnie certes, accuse un certain essoufflement. La longueur des généralats (gouvernement par un supérieur général) induisait également et visiblement une baisse de la qualité dans la manière de conduire les affaires de la Compagnie. Les ingrédients de ce fait, étaient réunis pour qu’une pluie de reproches s’abatte sur elle. La Compagnie voit tour à tour la remise en question de la qualité de l’enseignement qu’elle dispensait dans les écoles. Les membres de la Compagnie se voient traiter de laxistes, et vont être expulsés du Portugal, de la France et de l’Espagne à une période où malheureusement la voix du Pape ayant perdu de sa tonalité des époques de gloire de l’Eglise, influait le moins possible sur les décisions des rois. Après moult hésitations et tentatives de résistance de certains papes, le Pape Clément XIV en 1773 est contraint à jeter l’éponge et d’entériner la demande obsédée des détracteurs de la « Compagnie de Jésus », qui va traverser une fois encore une saison de martyr avec même la mort en prison, du Supérieur Général. Mais quand Dieu est aux commandes d’une entreprise, les fossoyeurs ont beau se multiplier, rien ne la déstabilise. Et comme le Samaritain de l’évangile, cet étranger qui administre la leçon sur l’amour du prochain aux fils du peuple élu, insensibles à la souffrance de l’homme accidenté, c’est l’empire russe où le catholicisme romain est des moins prédominants, qui va permettre la survie de la « Compagnie de Jésus ». Les bases de la renaissance y sont jetées, et le rétablissement de la compagnie va s’opérer à travers l’approbation par le Pape Pie VII, des demandes que les différents pays lui adressaient en faveur d’un retour des Jésuites. C’est la restauration, qui survient après un peu plus de quarante ans de suspension.
Tout est grâce.
C’est ce retour à la communion avec l’Eglise que célèbrent tous les Jésuites du monde entier, et que ceux en mission au Burkina ont marqué par cette conférence et l’eucharistie qui s’en est suivie, et qui a rassemblé du monde pratiquant de la spiritualité ignacienne. Les péripéties que la Compagnie de Jésus a traversées, les situations difficiles qu’elle a connues et qui ne l’ont pas anéantie, font dire au Père Jacques dans la deuxième partie de la communication, que la soumission du cœur du croyant à l’action transformatrice de l’esprit, retourne toute situation en faveur du croyant. Cet ordre religieux qui successivement est adulé puis craint, dans son attachement au zèle apostolique qui anime son fondateur et ses compagnons, a propagé aujourd’hui, la pratique des exercices spirituels ignaciens, et participe à la conquête des âmes pour Dieu. C’est le secret des Jésuites. « Dans son projet de tout faire pour la gloire de Dieu commente le Père Jacques OUEDRAOGO, le fondateur de la Compagnie ne tolère pas la médiocrité ». Faire le choix de vivre les exercices spirituels ignaciens, c’est appartenir à une famille de croyants qui partagent un héritage laissé par Ignace à tous ceux qui veulent faire une expérience semblable à la sienne, celle donc de la soumission du cœur à l’action de l’esprit ». Ceux-là poursuit le Père Jacques, proclament que la finalité de l’homme, cette participation à la vie divine, se réalise déjà dans ce monde, entendu que l’homme est appelé à un usage « sacramentel » du créé, dans sa capacité de révéler Dieu. La neuvaine de prière en cours depuis le 30 juillet et qui se termine le 7 août saura bien obtenir pour tous cette grâce.
Abbé Joseph Kinda